Accueil

Enseignement

Publications

Liens

Recherches

Polémiques

Grand Public

Littérature

Alzheimer

Camille Loiseau








 gerontoprevention.free.fr

Conseils de lecture
Ces articles sont parus dans la revue NPG

Dans cette rubrique, nous vous proposerons régulièrement une sélection d’ouvrages littéraires (romans, policiers, essais, récits biographiques, bandes dessinées…), dont la publication n’est pas forcément récente, mais qui ont tous un rapport avec la médecine. A chacun d’y puiser selon ses centres d’intérêts.


Page 4
 



Conseil numéro 19 : Réanimation
Conseil numéro 20 : Révolte des vieux 
Conseil numéro 21 : Maladie d'Alzheimer (2) 
Conseil numéro 22 : Séries médicales  
Conseil numéro 23 : Séries médicales (2) 
Conseil numéro 24 : Génétique 

Nous allons aborder cette fois-ci le thème de la « génétique » à travers deux romans, l’un Islandais et l’autre Français. Indridason est un auteur de polars aujourd’hui très connu qui a reçu de nombreux prix, et Michel Houellebecq est devenu célèbre surtout par les polémiques déclenchées par chacun de ses romans. Curieusement, alors que j’avais pensé rapprocher ces deux ouvrages depuis plusieurs mois, les films qui en ont été faits sont sortis la même semaine en France. Pour celui de Houellebecq, il a lui-même réalisé l’adaptation cinématographique de son roman. Malheureusement, si le livre n’était pas le meilleur de cet auteur, le film est encore plus mauvais.

 

Arnaldur Indridason

La cité des jarres

Points Policiers, 7 euros.

L’inspecteur Erlendur est flic à Reykjavic en Islande. Un flic à l’ancienne, pas toujours de bonne humeur, mais terriblement obstiné, un flic qui n’aime pas laisser une enquête sans en connaître tous les tenants et aboutissants. Erlendur est toujours encadré par ses deux seconds Sigurdu Oli et Elinborg. Cette fois il s’agit d’un vieil homme, tué d’un coup de cendrier sur la tête chez lui. On trouve chez la victime la photo de la tombe d’une enfant de quatre ans, et sur son ordinateur, des photos et des films pornographiques des plus immondes. Soupçonné de viol, il s’en était tiré plus de 25 ans plus tôt, parce que le policier chargé de l’affaire n’avait pas fait son travail. Alors l’inspecteur s’obstine à déterrer de vieilles affaires dont, visiblement, personne ne veut se souvenir.

Erlendur est une espèce de Maigret islandais. Ses partenaires lui font entièrement confiance même s'ils ne comprennent pas souvent où il veut aller. Il se débat avec sa déprime, sa santé moyenne (il fume et a des douleurs de poitrine) et ses relations conflictuelles avec sa fille toxicomane, Eva Lind, qu’il ne comprend plus. Il vit aussi avec le souvenir de son frère disparu enfant au cours d’une tempête de neige. Il est d’ailleurs obsédé par les disparitions îliennes (sa bibliothèque est remplie de livre uniquement sur ce thème) : comment peut-on disparaître sans laisser de trace sur une petit île comme l'Islande ? Tout ceci au sein d’une réalité islandaise très marquée par l’isolement, le poids de la famille et de ses secrets.

Comme dans les autres romans nordiques, ou dans les romans japonais ou chinois, il est toujours difficile pour le lecteur francophone de se repérer dans les noms des personnages comme dans les noms des villes. Par ailleurs, les auteurs nordiques donnent une vision très pessimiste de leurs pays (Danemark, Finlande, Islande…) avec les problèmes de saisons, de lumière, de temps et d’alcool qui semblent expliquer de forts taux de suicide.

Le terme de « Cité des Jarres » fait référence à un endroit, il y a une quarantaine d'années où étaient conservés les restes des autopsies, afin de pouvoir effectuer si nécessaire des recherches ultérieures ou pour la formation des étudiants. Ce système a été modernisé grâce à la génétique. L’intérêt médical de ce roman policier vient de ce fichier génétique qui a essayé d’être implanté en Islande et le dénouement de l’enquête fait bien sûr intervenir une maladie génétique rare.

« La Cité des Jarres » a obtenu le prix Clé de Verre du roman noir scandinave en 2002, le Prix Mystère de la critique 2006 et le Prix Cœur noir. Le film est sorti sous le titre « Jar City ».

Extrait :

« Erlendur pensa aux recherches en génétique. Le Centre d’étude du génome avait récemment commencé à rassembler les données sur les maladies de tous les Islandais, décédés ou en vie, et à en constituer une banque contenant toutes les informations sanitaires sur la population. On la croisait avec le fichier généalogique qui permettait de retracer la filiation de chaque Islandais jusqu’au Moyen Age, le programme s’appelait « Recherche sur le génome des Islandais ». Le but principal était de comprendre la manière dont les maladies se transmettaient par les gènes, de les rechercher par le biais d’analyses et de trouver des moyens de les guérir, elles ou d’autres maladies, si cela était possible. On arguait du fait que la population islandaise était restée longtemps isolée, que le sang n’avait pas été beaucoup mélangé, ce qui en faisait un terrain de choix pour les recherches.

L’entreprise et le ministère de la Santé, qui avait délivré l’autorisation de constituer un fichier informatique, avaient engagé leur responsabilité pour qu’aucune personne étrangère ne puisse s’introduire dans la base et ils avaient exposé le système très complexe de transcodage des informations, parfaitement impossible à pirater. »

 

Michel Houellebecq

La possibilité d’une île

Le Livre de Poche, 7,50 euros

Sur la quatrième de couverture il n’y a qu’une seule phrase : « Qui parmi vous, mérite la vie éternelle ? ». Il est probable que l’éditeur a eu beaucoup de mal à faire un résumé de ce roman et qu’il a préféré jouer la carte de cette citation énigmatique et presque biblique, faisant probablement référence au jugement dernier. D’ailleurs, les chapitres successifs de ce roman sont intitulés « Daniel 1,1 » jusqu'à « Daniel 1,28 », ce qui constitue évidemment une référence à la bible.

Le livre navigue entre le « récit de vie », très actuel, mené par Daniel 1, un comique spécialisé dans les sketches à scandales (sous les traits duquel on reconnaît Michel Houellebecq lui-même), et l’exégèse dans un futur lointain (plusieurs millénaires) de cette vie minable par Daniel 24 et Daniel 25, fruits des manipulations génétiques mises au point par les Élohimites (une secte ressemblant à celle des Raéliens et ayant supplanté les religions classiques). Daniel 1 connaît tout du fonctionnement de l'âme humaine, et c'est cette perception à la fois cynique, désabusée et amorale qui lui permet de faire mouche à chaque fois dans ses spectacles, ses films ou bien ses chansons parodiques. Désabusé lui-même, le désir d'un ailleurs fini par le faire regarder avec intérêt et bienveillance les concepts de la secte des Élohimites, dont l’auteur décrit avec plus d'amusement que de critique le fonctionnement : son gourou dominant sexuel, ses scientifiques convaincus et ses manipulations des adeptes qui abandonnent tous leurs biens à la secte qui leur promet l'éternité. La secte aménage à Lanzarote (une île des Canaries que Houellebecq affectionne particulièrement) et avance sur le chemin de la vie éternelle en misant sur le clonage des élus à partir de leur ADN. Lassé de son existence vide, sans objectif et sans attache, Daniel 1 se suicide, ouvrant la porte à ses réincarnations successives. Les clones de Daniel 1 vivent dans un monde déserté (la majeur partie de la population est morte dans des catastrophes passées) où il n'y a plus aucun contact physique…

Il faut signaler que si Michel Houellebecq est excellent dans la critique de notre société (sexualité, monde du spectacle, religions, sectes…), il fait (malheureusement) un très mauvais auteur de science-fiction.

Ce roman de Michel Houellebecq a reçu le Prix Interallié en 2005. Pour ce qui est du film, on peut dire que ceux qui ont lu le livre risquent d'être très déçus, et que ceux qui ne l'ont pas lu risquent de ne pas y comprendre grand chose.

Extrait :

« Un être est façonné, quelque part dans la Cité centrale, qui est semblable à moi ; il a du moins mes traits, et mes organes internes. Lorsque ma vie cessera, l’absence de signal sera captée en quelques nanosecondes ; la fabrication de mon successeur sera aussitôt mise en route. Dès le lendemain, le surlendemain au plus tard, la barrière de protection sera rouverte ; mon successeur s’installera entre ces murs. Il sera le destinataire de ce livre.

La première loi de Pierce identifie la personnalité à la mémoire. Rien n’existe, dans la personnalité, que ce qui est mémorisable (que cette mémoire soit cognitive, procédurale ou affective) ; c’est grâce à la mémoire, par exemple, que le sommeil ne dissout nullement la sensation d’identité.

Selon la seconde loi de Pierce, la mémoire cognitive a pour support adéquat le langage.

La troisième loi de Pierce définit les conditions d’un langage non biaisé.

Les trois lois de Pierce allaient mettre fin aux tentatives hasardeuses de downloading mémoriel par l’intermédiaire d’un support informatique au profit d’une part du transfert moléculaire direct, d’autre part de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de récit de vie, initialement conçu comme un simple complément, une solution d’attente, mais qui allait, à la suite des travaux de Pierce, prendre une importance considérable. Ainsi, cette avancée logique majeure allait curieusement conduire à la remise à l’honneur d’une forme ancienne, au fond assez proche de ce qu’on appelait jadis l’autobiographie. »

 

En ce qui concerne Arnaldur Indridason, il existe 3 autres romans disponible en français (« La femme en vert », « La voix » et « L’homme du lac »), tous avec l’inspecteur Erlendur, ses collaborateurs, ses souvenirs et sa fille toujours toxicomane. A chaque fois on se replonge dans le passé à partir d’un thème central : les violences conjugales, les enfants ayant un don, ou la guerre froide. L’atmosphère y est toujours aussi sombre et oppressante.

Pour ce qui est de Michel Houellebecq, pratiquement tous ses romans ont donné lieu à des films. On peut recommander « Les particules élémentaires » et « Plateforme ». Pour les plus accros, il existe même un site Internet officiel : http://www.houellebecq.info/



Conseil numéro 23
[retour haut de page]

Voici donc la deuxième partie de cette rubrique consacrée aux « séries médicales » à la télévision. Après « Urgences », « Grey’s anatomy », « Nip/Tuck » et « Docteur House », voici : « Scrubs », « NIH », « ReGenesis », « Bones » et « Diagnostic Meurtre ». Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive, mais on peut considérer qu’il s’agit des séries les plus connues et les plus originales. « Scrubs » et « Diagnostic Meurtre » se passent aussi à l’hôpital, pour les autres séries les lieux d’action sont beaucoup plus variés. « ReGenesis » montre plus le travail de laboratoire (mais le héros principal est souvent sur le terrain) et « Bones » est très éloignée de la série médicale, mais le travail sur les squelettes s’apparente beaucoup à celui des médecins légistes.

 

Scrubs

« Scrubs » ou « Toubib or not Toubib » est une sitcom créée et diffusée depuis 2001 aux Etats-Unis. En France, la série est diffusée depuis 2002 sur Paris Première et depuis 2006 sur M6. Il y a actuellement sept saisons de tournées et une 8ème est prévue. La chanson du générique de la série, « I am not a superman », par Lazlo Bane, est vraiment très réussie.

La série raconte les aventures de trois internes de l'hôpital du Sacré-Cœur, et notamment celle de John Dorian (Zach Braff) alias « JD ». JD est un grand enfant qui possède la particularité de se perdre fréquemment dans ses pensées, retransmises par sa voix intérieure, et de s'imaginer des scènes surréalistes inspirées des situations qu’il est en train de vivre. Ces « visions » sont alors représentées à l'écran, parfois en plein milieu d'une discussion avec les autres personnages, un peu comme dans la série « Dream On » dans laquelle les pensées du héros sont illustrées métaphoriquement par des extraits de films en noir et blanc. Son supérieur, le Dr Cox n’a rien à envier au Dr House sur le plan du caractère. Son ami d’enfance et colocataire Turk, est interne en chirurgie. JD est sous le charme d’Elliot, une camarade d’étude un peu perturbée. Les autres personnages principaux son le concierge, l’infirmière Carla, Todd (un interne en chirurgie obsédé sexuel) et Bob Kelso, le chef de service. Chaque épisode est structuré autour de plusieurs histoires thématiquement reliées par la voix off de JD qui fait office de narrateur. Cependant, les épisodes possèdent toujours quelques passages plus sérieux sur des sujets comme la maladie ou la mort. À la fin de la plupart des épisodes, JD résume la morale ou le thème de l'épisode qui s'est déroulé et la façon dont cela a affecté chacun des personnages.

« Scrubs » peut avoir plusieurs signification en argot anglais, ici le terme fait référence à la fois aux blouses portées par le personnel médical et à un groupe de personne de second choix incompétentes, ce qui semble être souvent le cas des médecins de cet hôpital.

Il s’agit avant tout d’une série médicale comique, à l’humour très potache, faisant de l'hôpital une zone de jeu délirante pour les internes. Les français s'y sont aussi essayés avec un peu moins de réussite avec la série « H » avec Eric, Ramzy et Jamel Debbouze.

 

NIH, alertes médicales

Créée en 2004, cette série n’a vécue qu’une saison de 20 épisodes.

Le NIH (Institut National de la Santé) s’inspire beaucoup sur le principe, du Center for Disease Control (CDC) d’Atlanta. Cette nouvelle agence est chargée d'intervenir, chaque fois qu'une menace médicale se présente : terrorisme, empoisonnement meurtrier ou accidentel, ou simple épidémie. Elle doit identifier la menace, son origine potentielle et l'isoler pour pouvoir éventuellement l'éradiquer. Un travail qui demande des compétences différentes et de la diplomatie. L’équipe est composée du docteur Connor (qui en est le responsable), des docteurs Durant et Mc Cabe, de l’attachée de presse Eva Rossi ainsi que de l’inspecteur Franck Powell. L’équipe tente ainsi d’élucider les cas médicaux inexpliqués, épidémies et autres maladies infectieuses. Il s’agit à chaque fois de problèmes de santé publique et l’équipe intervient sur le terrain lorsque des morts suspectes sont signalées. Ils recherchent alors la cause des décès et mettent en oeuvre les moyens nécessaires pour empêcher toute contagion de se propager.

Mais, malgré des débuts tout à fait honorables, l'audience de la série s'est effondrée en cours de saison, du fait de la concurrence acharnée des autres chaînes américaines, et NBC a finalement décidé de l'arrêter en fin de saison.

 

ReGenesis

« ReGenesis » est une série canadienne créée en 2004, qui s’est arrêtée en 2008, après 4 saisons.

Le principe de cette série est très proche de celui de NIH. La Norbac est une organisation transnationale fondée pour enquêter sur les avancées de la biotechnologie. Le Dr David Sandström, « l'un des meilleurs biologistes moléculaires au monde » (dixit le scenario), y dirige le laboratoire dont le siège est localisé à Toronto au Canada. Il est entouré de son équipe : Carlos Serrano, Mayko Tran, Bob Melnikov, Hira Kahn et Jill Langston. Ils ont tous leur propre spécialité et ils excellent tous dans leur domaine. La Norbac est dirigée d’un point de vue administratif et politique par Caroline Morrison, ex-agent de la CIA, qui est extérieure au monde de la science et qui est souvent en conflit avec Sandström. Ensemble, ils sont chargés de résoudre les diverses crises biologiques qui se déclanchent en Amérique du Nord, virus, mutations génétiques, attaques bio-terroristes ou même problèmes écologiques... Mais il n'est pas seulement question de biologie puisque chaque protagoniste de la série a aussi une vie privée (la fille de David, le chien de Bob ou l’ex-petit ami de Carlos…).

De la bactérie mangeuse de plastique aux moustiques génétiquement modifiés, Sandström et son équipe se penchent sur les progrès en matière de biotechnologie, avec en toile de fond des enjeux financiers, politiques et écologiques impliquant des terroristes, des gouvernements et des multinationales pharmaceutiques.

Dans la saison 1, l'équipe doit tout mettre en œuvre pour retrouver les origines d’un virus qui sème la mort sur son passage. Un virus qui semble être le fruit d’un croisement entre la grippe du chameau et une souche d’Ebola. Une telle mutation est-elle naturelle ou le fruit d’un acte de bio-terrorisme ?

 

Bones

« Bones » est une série télévisée américaine créée en 2005 et diffusée depuis 2007 sur M6. Le succès de cette série est en grande partie du au duo d’acteurs : David Boreanaz et Emily Deschanel.

Cette série est inspirée de la vie du médecin légiste et écrivain Kathy Reichs (la créatrice de la série), dont on peut lire plusieurs romans en Pocket Thriller avec le personnage de Temperance Brennan. Le docteur Temperance Brennan est un anthropologue qui travaille au Jeffersonian Institute et qui écrit de temps en temps des romans à succès. Elle est très forte dans son domaine et arrive à trouver des indices sur n’importe quel fragment de squelette. C'est pour cela que le FBI lui demande de participer à certaines enquêtes lorsque seuls des ossements sont découverts.

Brennan est entourée de ses collègues, tout aussi doués qu'elle : Angela Montenegro qui a créé un logiciel permettant de refaire en trois dimensions le visage et le corps des victimes à partir de quelques os du squelette, Zack Addy un jeune génie et Jack Hodgins un spécialiste des insectes et des minéraux, obsédé par les théories du complot.

Dans ses enquêtes policières, Brennan fait équipe avec l'agent spécial Seeley Booth, un ancien tireur d'élite de l'armée qui fait plus confiance à son instinct qu'aux scientifiques.

Au fur et à mesure des épisodes, Brennan sort de plus en plus de son laboratoire pour intervenir directement sur le terrain, et elle à tendance à essayer de diriger les enquêtes. Lorsque c’est nécessaire, elle n’hésite pas à se battre voire à utiliser des armes à feu.

 
 

Diagnostic meurtre

Créée en 1993 et arrêtée en 2001, cette série, qui compte près de 180 épisodes, a vu passer un nombre impressionnant de stars invitées par Dick Van Dyke, lui-même figure incontournable de la télévision américaine depuis plus de 50 ans. Dick Van Dyke a participé à de nombreuses comédies musicales (il a joué en 1965 dans « Mary Poppins ») et animé de nombreux shows télévisés. Il est très populaire aux Etats-Unis. D’ailleurs, on retrouve dans « Diagnostic meurtre » pratiquement tous les membres de la famille Van Dyke, le père et le fils à la ville comme à l'écran, et dans des rôles secondaires : petits enfants, neveux et nièces, cousins et cousines...

Mark Sloan est chef de service au Commmunity General Hospital de Los Angeles. Comme si ses activités de médecin ne l'occupaient pas assez, il trouve encore le temps d'aider la police à résoudre des enquêtes difficiles en tant que consultant. Steve Sloan, le fils de Mark, est policier  et il demande un coup de main à son père chaque fois qu’il se trouve en difficultés.

A l’hôpital, Mark Sloan est assisté par Amanda Livingstone, puis Bentley, qui est médecin légiste, et sur qui il peut compter pour résoudre les enquêtes. Pendant les deux premières saisons, Jack Stewart assiste Mark, Steve et Amanda puis décide de partir exercer dans le Colorado. À partir de la troisième saison, Jesse Travis prend la relève. Ensembles, ils résolvent quelques uns des crimes les plus étranges commis à Los Angeles.

La série explore donc à la fois le monde hospitalier (même si les scènes médicales sont souvent assez simplistes) et le système policier américain, sur un mode le plus souvent comique. Comme on est aux Etats-Unis, Jesse Travis qui est médecin et Steve Sloan qui est policier, s’occupent aussi d’un restaurant, le BBQ Bob’s.

 
Autres

Lancée la même année que la série de Michael Crichton, « Chicago Hope », la soeur ennemie d' « Urgences »,  raconte le quotidien des médecins dans un hôpital de Chicago. Même thème, même ville, les deux séries ont été en concurrence aux Etats-Unis, leur première année de diffusion. Mais une des deux séries était meilleure, et la production de « Chicago Hope », malgré ses qualités, a été arrêtée en 2000.

Enfin, il faut noter qu’une quinzième et en principe dernière saison d’ « Urgences » est prévue.


Conseil numéro 22 [retour haut de page]

Pour changer un peu, nous allons aborder cette fois-ci le thème des « séries médicales ». Il ne sera donc pas question de livres, mais de télévision. Comme les policiers, les avocats, les pompiers ou les cow-boys, le monde médical a ses séries télé qui sont très populaires et très rentables. La plus connue est probablement « Urgences » et la plus provocante « Nip/Tuck ». Certaines sont très médicales, d’autres sont plus centrées sur les relations amoureuses à l’hôpital, certaines sont trash et enfin d’autres sont très potaches. Pour autant, les séries médicales ne sont pas un phénomène nouveau. Cela a commencé aux Etats-Unis, dès 1963, avec « General Hospital », qui comportait déjà tous les ingrédients nécessaires : des histoires d'amour complexes et des patients sauvés in extremis. Cette série interminable a connu un succès immédiat et elle est encore à l'écran de nos jours. Toutes ces séries sont disponibles en DVD. Quant à savoir si elles ont vraiment un impact sur les connaissances médicales des spectateurs...  En tout cas, certains épisodes d’ « Urgences » servent de base de formation aux étudiants en médecine aux Etats-Unis. Compte tenu du nombre important de séries sur ce thème, cette chronique sera présentée en deux parties.

 

 

Urgences

 « Urgences » (ER pour « Emergency Room » en anglais) est une série télévisée américaine, créée par Michael Crichton (l’auteur de « Jurassic Park ») en 1994 et diffusée en France depuis 1996. Il s’agissait à l’origine d’un roman (« Extrême urgence », Pocket Thriller, 5,90 euros) qui devait être adapté en film. C’est LA série médicale de référence. Cela fait maintenant 14 ans (et 14 saisons) que l'ont suit avec toujours autant de plaisir les aventures des urgentistes de l’hôpital du Cook County à Chicago, et ce, même si tous les acteurs de la première saison ont depuis quitté la série, en particulier les poids lourds comme George Clooney ou Anthony Edwards. Il est vrai qu'arrivé à la 14ème saison, les scénarios commencent un peu à s'essouffler.

Qui n’a pas entendu parler des Docteurs Douglas Ross, Mark Greene, John Carter, Peter Benton, Kerry Weaver ou Susan Lewis ?

D’un point de vue médical, la série est très travaillée, et les cas présentés lors des premières saisons étaient très didactiques. Au fil du temps, les pathologies et les gestes pratiqués aux urgences sont devenus de plus en plus spectaculaires, et certaines saisons ne sont pratiquement plus qu’axées sur la vie sentimentales des médecins et des infirmières. Pour certains personnages, comme John Carter, on a pu suivre son parcours médical aux urgences depuis ses fonctions d’externe, puis d’interne et enfin de senior.

Beaucoup de thèmes d'actualité, parfois graves, sont traités à travers les patients et/ou les médecins de l'hôpital (la séropositivité, l'homosexualité et l'homoparentalité, l’alcoolisme, la toxicomanie, la situation au Darfour, le cancer, le suicide, l'euthanasie, la guerre en Irak, les erreurs médicales…). Cependant, un ton humoristique est assez souvent adopté, notamment via certains personnages (par exemple le réceptionniste Jerry Markovic, le docteur Dave Malucci ou encore le docteur Archie Morris qui semble très souvent totalement incompétent) ce qui permet au spectateur de respirer lors de certains épisodes particulièrement éprouvants.

 

 

Grey’s anatomy

Cette série créée en 2005, nous raconte la vie tourmentée de la jeune Meredith Grey, fille d'une célèbre chirurgienne (qui a écrit un traité d’anatomie très connu) qui tente de réussir son internat. L'intrigue est centrée sur la vie des médecins, et leurs histoires de cœur,  plus que sur les patients. Mais la série demeure très réaliste quand elle se penche sur des actes chirurgicaux. Le docteur Meredith Grey a donc pour lourd fardeau de devoir porter le nom de sa mère et fait ses premiers pas en tant qu'interne en chirurgie dans le Seattle Grace Hospital où sa mère a exercé pendant de longues années. Très vite, on apprend que sa mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer et on voit les difficultés de l’accompagnement d’une personne malade. Meredith va devoir travailler sept années pour réussir sa spécialité. Tout comme ses camarades internes de première année, Cristina Yang, Izzie Stevens, George O’Malley et Alex Karev, elle était encore une étudiante il y a très peu de temps. Aujourd’hui, ils sont confrontés à des choix qui peuvent mener les patients à la vie comme à la mort, au meilleur comme au pire.

Les internes sont aidés dans leur tâche par leur supérieure hiérarchique directe, la résidente Miranda Bailey, surnommée « la nazie » (« le tyran » dans la version française) mais aussi les chirurgiens titulaires, généralement chefs de service : le chef de service de chirurgie, le Docteur Richard Webber, le chef de cardiologie, le Docteur Preston Burke, le chef de neurochirurgie, le Docteur Derek Shepherd (alias docteur « Mamour ») et son ex-femme qui est la chef de gynécologie, le Docteurr Addison Montgomery.

Le titre de la série est un jeu de mots à partir du titre d'un traité d'anatomie populaire chez les étudiants en médecine américains, intitulé "Gray's Anatomy" paru pour la première fois en 1858 et qui en est à plus de 39 éditions. Ce livre existe aussi en français chez Elsevier Masson : « Gray’s anatomie pour les étudiants » (70,30 euros).

A noter qu’il existe une série dérivée (spin off) : « Private practice ». Après avoir échoué à se réconcilier avec les deux hommes de sa vie, le Dr Addison Montgomery quitte l'hôpital du Seattle Grace pour Los Angeles. Elle y retrouve des amis d'université et accepte un poste dans leur clinique spécialisée dans la fertilité. Peu à peu, sa vision idéaliste se dégrade, en constatant que même des conseillers conjugaux ne parviennent pas à faire fonctionner leur propre mariage.

 

 

Nip/tuck

C’est une série télévisée américaine diffusée depuis 2003 sur le réseau FX Network. En France, la série est diffusée depuis 2004 sur Paris Première.  "Nip/Tuck" est une expression argotique anglaise qui fait signifie "Inciser/Retendre", ce qui représente les bases du lifting!

La série se déroule donc dans l'univers de la chirurgie esthétique, un monde qui n'avait jusqu'à présent jamais inspiré de série télé. D’abord à Miami, puis à Los Angeles depuis la cinquième saison. A travers la vie de deux chirurgiens plasticiens (Sean McNamara et Christian Troy) et de leurs patients, Nip/Tuck dépeint une société à la dérive, où seuls comptent l'argent et les apparences. La série trash et parfois violente a souvent été récompensée pour ses effets spéciaux. Il est vrai que l'esthétique de la série est une complète réussite. Les opérations sont très réalistes, même si au fur et à mesure des saisons les cas traités et les opérations reflètent de moins en moins la réalité. Le scénario est extrêmement provocant, et de nombreux épisodes sont interdits aux moins de 16 ans.

Au-delà de sa provocation affichée, Nip/Tuck d'écrit la lente dégradation d'une famille et le questionnement de deux hommes de quarante ans à qui, en apparence, tout a réussi et qui s'interrogent sur leur vie. L'un comme l'autre se trouvent confrontés à leurs échecs.

 

 

Dr House

« Dr House » est une série créée en 2004 par David Shore et produite par Bryan Singer (X-men), elle a été diffusée pour la première fois sur la Fox. En 2006, c’est sur TF6 que la série a été diffusée, puis en 2007 sur TF1. Aux Etats-Unis, elle rassemble près de 25 millions de téléspectateurs par épisode. La série et l’acteur (Hugh Laurie) ont été récompensés plusieurs fois par : le SAG Awards, le Golden Glob Awards et l’Emmy Awards.

Médecin sarcastique et controversé, le Dr Gregory House est un diagnosticien brillant. Anti-héros par excellence, il cultive à la fois un caractère antisocial et un charisme singulier. Ce spécialiste de médecine interne est-il fondamentalement mauvais ou est-ce un homme blessé par la vie ?

Dans cette série le criminel est la maladie et le héros un médecin irrévérencieux controversé qui ne se fie à personne et moins encore à ses patients (« Les patients mentent toujours »). Le Docteur Gregory House est dépourvu de bonnes manières et ne communique pas avec ses patients. Il a eu une grave pathologie qui l’oblige à utiliser une canne et il est addicte au  Vicodin un antalgique à base de codéine. Il fait preuve de beaucoup d’obstination envers les cas qui lui sont confiés, particulièrement si ses confrères ont échoué avant lui. Son comportement se situe à la frontière d’une attitude antisociale. Il est secondé par une équipe de jeunes experts : un neurologiste, un immunologiste, sans oublier  son bon ami le Dr. James Wilson un spécialiste en oncologie …

Contrairement à la série « Urgences », les épisodes de « Dr House » tournent autour d’un patient (une pathologie). A l’instar des séries policières, la recherche du bon traitement est l’objet principal de la série. Des intrigues, des hypothèses ou même de la chance se mêlent pour trouver le traitement pour le patient. Les cas diagnostiqués sont souvent improbables et très discutables d’un point de vue purement médical. Par ailleurs l’équipe médicale fait tout elle-même (prises de sang, scanner, fibroscopies, EMG, visites au domicile des patients, chirurgie….) ce qui paraît peu réalise. Les méthodes diagnostiques sont souvent empiriques, avec une hypothèse = un traitement. Le malade va avoir d’emblée une chimiothérapie ou une plasmaphérèse alors qu’une simple sérologie aurait conduit au diagnostic final.

Autres

Les séries médicales sont maintenant très nombreuses, sans compter les produits dérivés à la française : « L’hôpital », « H », ou « Equipes médicales d'urgences » (anciennement « Faites le 15 »). Dans la deuxième partie, nous verrons : « Scrubs », « NIH », « ReGenesis », « Bones » et « Diagnostic Meurtre ».

Si « Urgences » est LA série médicale par excellence, « General Hospital » est étonnante par sa longévité. Pas moins de 45 ans que la série est diffusée aux Etats-Unis et le succès ne s'est jamais démenti. Là où pour la plupart des séries médicales c'est le réalisme qui prime, dans General Hospital, le monde médical n'est qu'un prétexte, un simple cadre à voir évoluer les histoires de chacun. Certains se demandent encore comment une idée de départ aussi simple "la vie et les amours de plusieurs familles autour de l'hôpital de Port Charles" a pu engendrer autant de rebondissements.


Conseil numéro 21 [retour haut de page]

Nous allons cette fois-ci aborder à nouveau le thème de la « Maladie d’Alzheimer (2) ». Depuis quelques temps, cette pathologie est devenue à la mode : année Alzheimer (2007), Plan Alzheimer 2008-2012, émissions de télévision, films de cinéma, photos, spectacles et bien sûr les livres : romans, BD et témoignages. Il y a même maintenant une radio consacrée uniquement à cette maladie : http://www.radioa.info. Nous présenterons cette fois-ci un roman très original sur ce sujet qui a reçu 2 prix (le prix Wepler Fondation La Poste 2007 et le prix Pierre Simon Ethique et Réflexion 2007), et une bande dessinée très émouvante.

 

 

Olivia Rosenthal

On n’est pas là pour disparaître

Editions Verticales, 16,50 euros

L’écriture de cet ouvrage est assez déroutante, et peut gêner le lecteur. C’est une écriture moderne, provocatrice par les ruptures de style, où on n’identifie pas toujours le personnage qui est concerné (tantôt c’est « i l », « je », « tu »…), par certains cotés cette écriture rappelle assez le « nouveau roman ». Les phrases sont courtes, fragmentées, c’est un véritable exercice littéraire, un objet littéraire. Le texte est composé de fragments, d’hypothèses, de réflexions, de poèmes, de listes, de données scientifiques, d’éléments biographiques sur Aloïs Alzheimer ou sur l’auteur. Comme le dit le personnage principal. : «Je suis constitué de fragments très distincts et séparés les uns des autres par de grands vides».

Dans ce septième roman Olivia Rosenthal a choisi d’aborder la maladie d’Alzheimer à travers un fait divers assez particulier et rarissime : le 6 juillet 2004, monsieur T. a poignardé sa femme de cinq coups de couteau. Il ne le sait pas. Depuis, il l’attend. L’auteur parle de « la maladie d’A. » sans jamais la nommée, comme par superstition, comme si c’était contagieux, comme si le fait de la nommer lui faisait courir le risque d’y succomber, elle ou ses proches. Très souvent, elle parle d’elle-même, de ses proches, de ses craintes, sans que ça ait forcément de rapport évident avec le roman. « Ce livre a pour but de m’accoutumer à l’idée que je pourrais être un jour ou l’autre atteinte par la maladie de A. ou que, plus terrible encore, la personne avec qui je vis pourrait en être atteinte. »

La volonté d’un certain non-sens, de passer du coq à l’âne, d’un sentiment de confusion dans le texte est volontaire, organisée, provoquée pour essayer de donner au lecteur la sensation de ce que peut ressentir un patient atteint de cette maladie. Mais bien sûr : « Les malades ne peuvent pas parler de leur maladie parce qu’ils n’ont pas de mots, et les biens portants parce qu’ils les ont ».

Tout au long du livre, l’auteur propose au lecteur des exercices mentaux faisant ou non appel à son imagination : «Faites un exercice. Calculez mentalement le nombre de personnes dont vous avez pris l’habitude de parler au passé. Pas les morts bien sûr, les vivants.»

L’objectif du texte étant avant tout de déstabiliser le lecteur, on peut dire qu’il est largement atteint.

 

Extrait :

« La maison a changé, elle a fait supprimer le gaz, installer des robinets à fermeture automatique, un portillon pour protéger l’accès de l’escalier, elle a fait modifier la température du chauffe-eau, poser des mains courantes dans le couloir, des interrupteurs visibles et fluorescents, elle a fixé sur chaque porte le nom de la pièce avec un dessin correspondant, a marqué au sol et en couleurs certains trajets indispensables et quotidiens, a fait remplacer toutes les fenêtres anciennes par des fenêtres aux vitres feuilletées, a rangé les médicaments, les produits ménagers ou inflammables dans des boîtes hermétiques, a condamné la porte du garage ainsi que celle du grenier, a fait poser une moquette épaisse sur les escaliers, aménager un système d’ouverture de la porte d’entrée avec code à quatre chiffres, poser des serrures sur les tiroirs contenant des objets contondants, elle a supprimé les miroirs dans la chambre, a fixé le long de la baignoire une barre d’appui en inox, elle a fait le maximum, elle ne sait pas si ce sera assez, elle a fait tout ce qu’elle pouvait, elle est fatiguée, elle va se reposer un peu maintenant, elle va attendre. »

 

 

Paco Roca

Rides

Delcourt - Mirages, 14,95 euros

 

Après sa dernière crise d'Alzheimer, Ernest est placé par sa famille dans une maison de retraite contre son gré. Son fils ne sait plus comment gérer ses pertes de mémoire. Dès lors, il y affronte seul sa nouvelle vie, apprend à connaître les autres patients et le fonctionnement du centre. Il découvre la dure réalité d'un quotidien très monotone rythmé par les prises de médicaments, les siestes et les repas. Et surtout le dernier étage -  la grande peur de tous - où sont transférés ceux qui ne peuvent plus se suffire à eux-mêmes. On assiste petit à petit à l’évolution de la maladie d’Ernest qui voit son quotidien lui échapper. La vie en collectivité est bien rendue, avec les résidents qui empiètent sur l’intimité les uns des autres ; les dérapages, les tentatives de tricherie et les blagues de collégiens nous montrent que ces malades restent encore des humains. Certains ne vivent plus que pour attendre l’heure du repas, l’heure du bingo, la visite hebdomadaire, voir mensuelle ou même annuelle des enfants et petits-enfants. Certains vivent dans leurs rêves, et voyagent depuis des années dans les splendeurs oubliées de l’Orient-Express. Certains enfin ne vivent que pour leur amour, qui ne les reconnaît même plus, mais qu’importe. Ernest fera connaissance de ses camarades comme Emile, son compagnon de chambrée, Madame Rose qui passe ses journées à regarder par la fenêtre et se croit en voyage, Madame Simone qui cherche un téléphone, Alphonse, ancien animateur de radio qui ne fait plus que répéter ce qu'il a entendu, Adrienne, Eugène qui se débrouille toujours pour tripoter les jeunes femmes, René, un ex-champion, Léon, un aveugle, ainsi que Georgette et Marcel. Emile, qui n’a pas de problèmes de mémoire et qui au départ profite d’Ernest et des autres résidents ayant la maladie d’Alzheimer, finit par évoluer et par devenir sympathique au lecteur.

Il fallait beaucoup d’audace pour évoquer la maladie d’Alzheimer en BD. Paco Roca s’en tire très bien, car il montre à la fois la réalité et les conséquences de cette terrible maladie tout en gardant beaucoup de tendresse pour ses personnages. La simplicité du dessin, les décors épurés et les couleurs donnent au récit une douceur et une légèreté que le sujet n'a pas. Ce choix a pour effet de rendre l'ensemble très agréable permettant ainsi de dédramatiser la situation. L’histoire reste pleine d’humour (en particulier la folle virée en voiture), avec même souvent un aspect poétique des personnages avec toutes leurs petites manies. Ce qui reste en mémoire au lecteur, ce sont les élans de vie de ces résidents.

L’auteur signale, dans les dernières pages de l’album, qu’il s’est servi des témoignages de son entourage et de sa propre expérience pour mettre en forme ce récit. C'est cela qui donne cette force et cette authenticité à ce récit, car les anecdotes sont toutes très justes. A noter simplement une petite erreur médicale, en ce qui concerne la thérapeutique, car par deux fois, il est noté une association tacrine et donépézil, ce qui, hormis le fait que la tacrine n’est plus utilisée depuis plus de 10 ans, revient à donner deux fois un anticholinestérasique.

La couverture de ce livre est magnifique et semble décalée par rapport au titre, mais on la comprend au fil de la lecture.

 

Extraits :

« -Tenez, vous voyez ceux-là ? D’après vous, quel lien les unit ?

-Eh bien, c’est assez clair… Ceux qui sont dans les bras l’un de l’autre sont mari et femme, et celui qui les regarde doit être un proche venu leur rendre visite.

-Ha, ha… La vieillesse est une mauvaise farceuse. En fait, celui qui regarde est le mari de la petite vieille. Il vient la voir tous les jours tiré à quatre épingles et bien parfumé… Quant à elle, elle ne le reconnaît plus. Elle ne lui donne jamais de baiser ni la moindre marque d’affection. Rien qui laisse transparaître le plus petit souvenir d’une vie passée ensemble… Pour elle, son mari, c’est l’autre, le vieux qu’elle a connu ici. Parfois, ils se tripotent comme des adolescents… Sous l’œil résigné du mari… C’est curieux comme on perd la tête mais pas les pulsions sexuelles… »

 

En complément, on peut citer 2 ouvrages rédigés par des bénévoles de l’association « Vieillir Ensemble » (Hôpital Paul Brousse, Villejuif) et qui interviennent auprès de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Ils ont tous les deux étaient publiés chez L’Harmattan. Le premier s’intitule « Rencontres avec les malades Alzheimer » et a été écrit par Françoise Gourgues et Marie-Hélène Wagner (13,50 euros). C’est à la fois un recueil de témoignages et un guide pratique pour quiconque voudrait devenir bénévole d’accompagnement auprès de personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Le deuxième ouvrage a été écrit par Anne Pinoche-Legouy et a pour titre « Le Souci de la dignité » et comme sous-titre « L’appel silencieux des aînés dépendants » (11 euros). Il aborde l’aspect du bénévolat sous un aspect philosophique, avec d’une part le fait que dans nos sociétés modernes on ne prête pas attention aux malades âgés et d’autre part le manque d’engagement solidaire des jeunes générations. Il est aussi évoqué le « modèle canadien » où les étudiants en santé doivent obligatoirement valider un minimum de 45 heures de bénévolat au sein d’institutions hospitalières ou d’associations humanitaires au cours de leur cursus universitaire.


Conseil numéro 20 [retour haut de page]

Nous allons aborder cette fois-ci le thème de la « révolte des vieux » à travers deux ouvrages très atypiques. L’un a plutôt une vision post soixante-huitarde des choses et l’autre une vision carrément anarchiste et assez violente. Les deux sont publiés chez des petits éditeurs pas forcément faciles d’accès.

 

Michel Varagne

La révolte des vieux

Edition AàZ Patrimoine, 19 euros

 

 

Michel Varagne, l'auteur de cet ouvrage de politique fiction est âgé de 54 ans. Devenu journaliste à la République du Centre, il imagine l'implication d'un journaliste retraité, qui sait intriguer les médias, pour lancer une révolte pacifique mais très efficace.

 S'appuyant sur les nouvelles technologies (Internet), cinq retraités vont donc lancer un mouvement de révolte, relayé par les médias, s'appuyant sur la force de frappe consommatrice que représentent en 2019 les 18 millions de plus de 60 ans. Il s’agit bien sûr des fameux papy-boomers qui ont vécu mai 68. Beaucoup sont pauvres, ont à peine de quoi se chauffer, se sentent exclus par les générations qui les suivent... Aux quatre coins de la France, ils complotent, car l'action est pour bientôt. Le mouvement du 17 janvier marchera-t-il ? Et qu'entend-il démontrer ? En tout cas le mouvement est lancé et il ne devrait plus s'arrêter ... Et ce qui était presque, à l'origine, une farce de "vieux potache", est devenu une manifestation politique que les politiciens aimeraient assez récupérer.

Leur motivation ? Eviter de se retrouver face à leur "vie ratée de n'avoir pas transmis à leur descendance un monde meilleur que celui dont ils ont hérité". Ils veulent de la considération, des lieux pour les malades, des moyens pour les plus pauvres….

Ils ont décidé qu'ils en avaient marre qu'on les ignore, qu'on les méprise, qu'on les restreigne. Ils vont donc semer le désordre en utilisant avec excès les moyens de la vie quotidienne. Ce n'est pas parce qu'on a plus de 60 ans que l'on ignore les conséquences d'un branchement électrique programmé à une heure précise durant un hiver glacial.

Un scénario qui pourrait bien se réaliser dans les années à venir.

Ce livre se lit facilement, même si le style littéraire reste pauvre. L’auteur écrit comme un journaliste et à tendance à faire des exposés successifs : vieillissement de la population, modifications climatiques, consommation d’électricité par grand froid, maisons de retraite… Chaque fois ces passages sont très riches et très détaillés, mais alourdissent le récit. Ceci donne malheureusement à l’ensemble de l’ouvrage un aspect « exercice de style » très artificiel. Toutefois, les moyens de pression proposés sont très réalistes, et il est fort probable qu’ils soient utilisés un jour. Pour ceux qui voudraient aller plus loin, Michel Varagne a ouvert un blog sur ce thème : http://www.larevoltedesvieux.com/

Extrait :

« Eh oui, Jean-Pierre n’a pas tort. Tout augmente, et vite. Le nombre de personnes âgées de plus de soixante ans a plus que doublé, depuis les années 1950. Les centenaires sont si nombreux qu’on ne les voit même plus souffler leurs bougies en famille dans les journaux régionaux où l’on a désormais placé la barre de qualification à cent dix ans pour les femmes, et cent cinq pour les hommes ! Incroyable. Le centenaire est, pour ainsi dire, dévalué. Et, comme on dit, l’intendance n’a pas vraiment suivi, notamment pour les personnes les plus âgées, les plus handicapées et les plus démunies. Les réformes ne sont évidemment presque jamais allées jusqu’au bout, les hommes et les femmes politiques ayant le plus souvent manqué de détermination, et préféré les réélections plus ou moins faciles et immédiates à la courageuse gestion du long terme. Quant aux maisons de retraite, et surtout aux établissements médicalisés, ils font de plus en plus cruellement défaut sur l’ensemble du territoire, mis à part dans les départements les plus riches. La décentralisation a, si l’on peut dire, donné naissance à une vieillesse à deux vitesses. Mais les coûts de ces maisons de retraite sont très élevés, et nombre de personnes âgées n’ont pas les moyens d’aller y passer la fin de leurs jours. Jean-Pierre ne fait pas parti des plus démunis. Ni, mais cela viendra sans doute plus vite qu’il ne le croit, des plus âgés et des plus handicapés. Pour l’instant, c’est un « jeune vieux », comme on dit, qui a toujours correctement gagné sa vie et dispose donc d’une bonne pension. Pour ne rien gâter, il est plutôt en forme. Mais cela ne l’empêche pas de se préoccuper des autres. De se faire du souci pour tous ceux, et il y a pléthore, qui sont dans la peine, dans la misère, ou qui connaissent la solitude et l’ennui. »

 

 

Rolland Hénault

On les aura !

Les éditions Libertaires, 10 euros

 

On les aura… sous entendu, comme en 14. Le sous-titre de ce cours roman est d’ailleurs : « Récit saignant d’une révolte armée dans une maison de retraite ». Le programme est clair !

Une maison de retraite ordinaire, comme il en existe des milliers, avec ses vieux infantilisés et le regard condescendant des familles et des soignants. Cet état de fait étant l’aboutissement de l’implacable logique actuelle d’exclusion sociale des vieux. Pourtant, dans cette maison de retraite, la révolution est en marche. Mais ici, on est loin de mai 68 et on est plus proche de Rivarol. Le discours est plus libertaire que social.

Trois petits vieux vont être à l’origine d’évènements bouleversant l’équilibre de la nation ! Trois vieux, Ferdinand, Sidi et le narrateur, observent la vie du Camp, comme ils qualifient la maison de retraites, avec ironie et dédain. Les quelques visites espacées dans l’année des proches leur révèlent toute l’hypocrisie dont les hommes peuvent être capables. Heureusement que les sorties autorisées mais sous surveillance vers le café « Chez Mimile » rompent avec le quotidien et permettent quelques rencontres et discussions inhabituelles. Les infirmières surnomment le trio « Les conspirateurs » et ne savent pas encore à quel point elles ont touché juste ! Les trois compères vont se muter en terroristes, amateurs mais efficaces, pour faire sauter leur maison de retraite. Ils sont bien décidés à mourir en beauté, c’est-à-dire debout. Dénoncés, ils sont arrêtés et condamnés à perpétuité ! Ce qui est paradoxal pour ces vieux qui se considéraient déjà comme des prisonniers dans le couloir de la mort. Après jugement, ils rejoindront un second Camp où ils ne seront pas plus malheureux. En effet, ils se sentent finalement mieux en prison qu’à la maison de retraite ! Pourtant leur geste en entraînera d’autres... La révolte s’étend dans tout le pays et tous les vieux se lancent dans la lutte armée. Ils sont rejoints par d’autres exclus… C’est l’anarchie la plus complète dans le pays, l’objectif est atteint.

 

Extrait :

« Enfin, bientôt du nouveau. C’est ce qui manque, à vrai dire, dans les maisons de retraite. Il n’y a que du vieux.

Le nouveau, c’est quand il y a un vieux qui calanche. On voit arriver le fourgon, repeint en marron clair, avec des petites ailes bleues. C’est charmant. Ca fait du bien au moral. Ca prouve qu’on va monter au ciel, même si c’est un peu haut.

Justement, il est là le fourgon. Il vient de stationner.

Depuis le temps qu’on l’attendait !...

On remplace le vieux mort par un vieux tout neuf, encore vivant, et, du coup, c’est effectivement nouveau.

On l’observe avec curiosité, le nouvel arrivant. Avec son air ahuri, il tient encore un peu de l’être humain. C’est attendrissant. Pour un peu j’en pleurerais. D’ailleurs j’en pleure.

Il n’est pas vraiment comme nous. Il lui faudra bien huit jours pour s’adapter. Abandonner les soins corporels élémentaires, négliger la toilette, attraper le coup de peigne maison, le poil hérissé, puer des pieds, oublier sa braguette… se pisser dessus, un peu.

Et préparer la Fête, avec les Guirlandes. Avec l’Accordéon, le Mousseux, le Petit Vin Blanc… les Travailleurs Sociaux qui dansent tout autour, la danse du scalp… le scalp des chauves. Le scalp de la chimio, le scalp de Parkinson. C’est plus varié qu’on s’imagine. Il y a même des tas de possibilités, pour souffrir et pour crever dans la bonne humeur, au Camp.

- Allez les papys les mamies, c’est l’heure de la Fête… aujourd’hui on oublie tout, les cols du fémur, les cancers du foie, les tumeurs de l’utérus, les prostates qui font le gros dos, avec les sondes… allez, debout les papys les mamies! c’est la fête, nom de dieu ! »

 

En janvier 2007, « Aufstand der Alten » (« La révolte des vieux »), un téléfilm d’anticipation, a été diffusé à une heure de grande écoute sur la chaîne publique allemande ZDF, et a choqué l’Allemagne en relançant le débat sur le vieillissement de la population et l’appauvrissement des seniors. Ce docu-fiction met en scène une jeune journaliste de 2030 qui prend peu à peu conscience de l’appauvrissement généralisé des personnes âgées et du développement de la criminalité «grise». Les vieux braquent des banques afin de pouvoir payer leurs médicaments. Dans cette Allemagne particulièrement touchée par le vieillissement de la population, le gouvernement a mis en place une retraite unique s’élevant à 560 euros par mois, les conflits entre les générations atteignent leur paroxysme, des médecins euthanasient des aînés qui n’ont rien demandé, les proches maltraitent leurs parents âgés et des maisons de retraite (des camps) sont construites en Afrique pour y parquer les vieux dont plus personne ne veut… Appauvrissement des personnes âgées, retraites désastreuses, euthanasie économique, maltraitance : on voit bien qu’il s’agit vraiment de science fiction et qu’un tel scénario est impossible en France… Pourtant, le nombre de délinquants seniors augmente en Allemagne et il a explosé au cours des 10 dernières années au Japon.


Conseil numéro 19 [retour haut de page]

Nous allons aborder cette fois-ci le thème de la « réanimation » à travers un roman anglais et un roman américain. Les deux ont une vision assez sombre de l’hôpital ce qui se traduit par un humour noir très ravageur. Dans ces services où l’on côtoie la mort au quotidien, la vie semble aussi s’épanouir, notamment à travers la sexualité des soignants qui joue un rôle important dans ces deux ouvrages. Dans les deux cas, il s’agit d’un adulte (une fille pour l’un, et un fils pour l’autre) qui attend la mort de son père hospitalisé dans un service de réanimation.

 

 

Alan Bennett

Soins intensifs

Denoël et d’ailleurs, 12 euros

 

Alan Bennett est né à Leeds dans le Yorkshire, en mai 1934. C’est un touche-à-tout connu en Angleterre comme un homme d’esprit, un comique (précurseur de l’esprit des Monty Python), un auteur de pièces de théâtre, un scénariste de cinéma : il a écrit « Prick up your ears » pour Stephen Frears ou « La folie du roi George ». Il a écrit également un nombre considérable de films pour la télévision anglaise. C’est un spécialiste des monologues décapants, qu’il a publiés sous le titre collectif de « Talking heads ». Monologue par exemple d’une ménagère n’osant pas s’avouer qu’elle est troublée par son épicier pakistanais. Ses pièces sont régulièrement jouées à Paris.

Soins intensifs est assez représentatif de la méthode de travail de Bennett. Ecrit tout d’abord pour la BBC en 1982, ce texte a été retravaillé pour aboutir à ce court roman très corrosif sous ses allures anodines, sorti en février 2006.

Midgley est un professeur d’anglais d’une quarantaine d’années, qui apprend que son père se trouve à l’hôpital dans le coma, après une attaque. Il est presque soulagé de savoir que celui-ci va mourir, persuadé qu'une nouvelle vie l'attend, loin du mépris et de l'emprise paternels. Mais, même si Midgley a souvent rêvé de tuer son père (et, dans ses rêves, tout allait très vite), il décide de l’assister dans ses derniers instants, en fils modèle. Sa femme ne lui apporte aucun soutien. Et à l’hôpital même, les infirmiers ou les médecins interviennent comme des fantômes qui ne sauraient pas quoi faire. L’absurde est poussé à son comble par le fait que ce père, tout en étant dans un état végétatif, se refuse à mourir. L’agonie est interminable. Et alors que la libération se fait attendre, le lecteur suit avec délices la mise en scène de l'hypocrisie sociale et des difficiles relations père-fils.

Les saynètes hilarantes aux dialogues grinçants se succèdent ; attisées par une vieille tante et son épouse, les embrouilles familiales prennent le dessus. Même le personnel hospitalier s'en mêle. Autour du lit, défilent une humanité peu reluisante : tante cancanière, famille modèle en train de se craqueler… Heureusement, Midgley que personne ne remarque finira par trouver un peu de réconfort dans les bras d’une infirmière rondelette et souillon.


Extraits :

« -Mr Midgley, dit le médecin en le secouant par l’épaule.

-Denis, dit tante Kitty, c’est le docteur.

Il s’agissait d’un jeune Pakistanais un peu pâlichon et durant une fraction de seconde, Midgley crut qu’il s’était assoupi dans sa classe et que c’était un élève qui le réveillait.

-Mr Midgley ? répéta le médecin.

Il s’exprimait d’une voix grave et ferme. Il avait tout au plus vingt-six ans.

-Votre père a eu une attaque cardiaque, dit-il en consultant son dossier. De quelle gravité, c’est difficile à dire. Quand il est arrivé ici, il souffrait d’hypothermie.

Tante Kitty émit un petit cri plaintif. Un tel fléau avait souvent fait la une des journaux ces derniers temps.

-Il a dû perdre connaissance et rester étendu sur le sol pendant au moins deux jours.

-Je vais généralement le voir le week-end, dit Midgley.

-La pneumonie s’est bien installée. Son cœur est très affaibli. Tout bien considéré, conclut le médecin en consultant encore une fois son dossier, il est probable qu’il ne passera pas la nuit.

En repartant, il glissa le dossier sous son bras et Midgley vit qu’il n’y avait rien à l’intérieur. »

 

 

Richard Dooling

Soins à hauts risques

Archi poche, 7,50 euros

 

Le jeune interne Ernst Werner est un médecin très particulier. Il est cynique, coureur de jupons, caractériel et peu social avec les autres membres du personnel. Il crie sur les infirmières, se fout un peu des patients, et dénigre les familles...

Mais voilà qu'un jour aux côtés du patient du bloc 5 se tient une charmante jeune femme qui ne le laisse pas indifférent. Le docteur n'aura plus qu'une obsession : mettre Félicia, la fille de ce patient dans son lit. Surtout que la jeune femme, apprentie mannequin n'est pas des plus prudes et semble avoir une certaine attirance pour lui.

Mais pourquoi veut elle à tout prix faire cesser les soins donnés à son père? Pourquoi estime-t-elle que ce soit de l'acharnement thérapeutique? Pourquoi fait-elle tout pour écarter sa demi sœur Constance, son aînée, du chevet de son père?

Alors que Félicia veut qu’on arrête toute réanimation, Constance, au contraire veut que l’on tente tout pour sauver son père et ne comprend pas qu’on ne lui ait toujours pas posé de sonde d’alimentation. Y a t il un rapport avec l’héritage de deux millions de dollars ? La date du décès a-t-elle son importance ? Werner est-il un complice ou une victime ?

L’auteur, ancien infirmier en soins intensifs connaît bien cet univers qu’il décrit avec beaucoup de minutie et de cynisme. A noter qu’une adaptation cinématographique de ce roman a été faite en 1997 par Sydney Lumet sous le titre anglais de Critical Care.

 

Extrait :

« Autrefois, Werner gaspillait un nombre incalculable d’heures par semaine à être gentil et agréable avec les infirmières et le personnel de l’hôpital. Très vite, il se rendit compte que, pendant qu’il était occupé à être gentil et agréable, les patients étaient occupés à tomber comme des mouches autour de lui. Plus grave encore, pendant qu’il était occupé à être gentil et agréable, d’autres jeunes internes étaient occupés à décortiquer les articles des revues médicales et les archives de l’hôpital. Etre gentil et agréable avec les bien-portants avait empêché Werner de se distinguer dans l’étude d’un cas particulièrement difficile de maladie du légionnaire – un étudiant en troisième année de médecine lui ayant grillé la politesse. Une autre fois, le fait d’avoir été gentil et agréable avec des bien-portants avait eu un autre résultat contrariant, quand un interne en radiologie avait diagnostiqué un syndrome de Goodpasture, alors que Werner avait précédemment expliqué à d’éminents professeurs, au cours d’une de leurs visites, qu’il s’agissait d’une hémosidérose pulmonaire idiopathique.

Juste après son internat, Werner avait compris qu’il fallait être solide et prêt à tout dans un univers comme celui du Centre médical universitaire et que, pour y parvenir, un interne devait préserver chaque petite provision de temps et d’énergie pour l’étude et la lutte contre la maladie. Les tâches de second ordre, comme être gentil et agréable, devaient être déléguées au personnel de second ordre. Si un interne voulait s’assurer un avenir au Centre médical, il devait judicieusement éviter d’engager la conversation avec qui que ce soit, à commencer par la potiche que Werner avait sous la main et qui pouvait se tenir en face d’un patient tout bleu, vous tendre ses résultats de labo qui confirmaient, comme vous le supposiez, que chaque cellule de ce patient était asphyxiée, et vous demander en toute innocence si vous vouliez qu’elle appelle le service de pneumologie pour augmenter l’oxygène.

-Non, répondit Werner sans la regarder. N’augmentons pas l’oxygène. Demandons plutôt au service d’entretien d’apporter un sac-poubelle.

-Un sac-poubelle ? murmura d’une voix rauque Marie Quelque-Chose, dont le visage aux capillaires engorgés avait viré au vermillon flamboyant.

-Ouais, dit Werner, comme ça on pourra l’enrouler autour de la tête du Un et voir combien de temps il faut à ces petits gribouillis rigolos pour disparaître de son moniteur cardiaque ! »

 

Un peu en dehors de la réanimation proprement dite, il y a l’univers des urgences et des gardes de nuit. Parmi toutes les gardes, on peut individualiser le système de « la grande garde », qui n’existe qu’en région parisienne et qui consiste à centraliser chaque soir la garde de neurochirurgie sur un seul hôpital pour toute l’assistance publique. « La grande garde », c’est le titre et le sujet qu’a choisi Antoine Sénanque (pseudonyme d’Antoine Moulonguet, un neurologue parisien) pour son nouveau roman. L’auteur dépressif de « Blouse », dont nous avions déjà parlé, raconte ici la vie dans un service de neurochirurgie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière avec ses mesquineries et ses rivalités. Une nuit au bloc, il y aura une erreur médicale. A qui la faute et qui doit en porter la responsabilité ? Ce livre a reçu le prix Jean Bernard 2007.



[retour haut de page]

Site édité par le Docteur Christophe TRIVALLE

Cette page est dédicacée à ma grand-mère Paulette 

qui est décédée le 8 juillet 2007

et qui adorait la lecture