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Camille Loiseau








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Conseils de lecture
Ces articles sont parus dans la revue NPG

Dans cette rubrique, nous vous proposerons régulièrement une sélection d’ouvrages littéraires (romans, policiers, essais, récits biographiques, bandes dessinées…), dont la publication n’est pas forcément récente, mais qui ont tous un rapport avec la médecine. A chacun d’y puiser selon ses centres d’intérêts.


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Conseil numéro 25 : Terrorisme
Conseil numéro 26: Introspection

Conseil numéro 27: Urgences 
Conseil numéro 28: Ouvrages de références
Conseil numéro 29: Les Simpsons
Conseil numéro 30 : Théâtre 
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Conseil numéro 30  [haut de page]

Nous allons aborder cette fois-ci le thème du « Théâtre ».  Il existe de très nombreuses pièces ayant un sujet médical, y compris dans le théâtre contemporain, mais nous avons choisi deux pièces très classiques et fort célèbres, « Knock » de Jules Romain et « Le médecin malgré lui » de Molière.

 

 Jules Romain

Knock

Folio, 4,50 euros

Cette farce en trois actes sous-titrée « Ou le triomphe de la Médecine » a été jouée pour la première fois en 1923. L’interprétation de Louis Jouvet et sa version cinématographique (1933 et 1950) en ont fait un immense succès. Aujourd’hui, tout le monde connaît le célèbre passage « Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous grattouille ? ». De même que « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent. ».

Le Docteur Parpalaid, qui, pendant les vingt-cinq ans de son séjour à Saint-Maurice, n’a pas cru à la médecine ni fait fortune, vient de revendre au Docteur Knock un cabinet sans clientèle (acte I). Ce dernier, joignant la ferveur du missionnaire à l’énergie de l’homme d’action, spécule sur la peur de la maladie et révèle le besoin de se soigner à la population du canton en commençant par une consultation gratuite le jour du marché (acte II). Knock se révèle un homme d’affaires avisé. Il a d’ailleurs fait ses premières armes dans le négoce des cravates et de l’arachide. Désormais la maladie sera son gagne-pain. Très vite on accourt pour se faire examiner. Fin psychologue, il a tôt fait de découvrir les petits travers de ses patients ou de ses associés et il les exploite sans vergogne : altruisme et orgueil intellectuel de l’instituteur, insatisfaction du pharmacien, vanité du tambour... Le Docteur Knock, qui a su fédérer leurs intérêts, a rapidement assuré la fortune de ses alliés. Mais sa vraie passion, c’est la volonté de puissance. Au bout de trois mois, il peut montrer au Docteur Parpalaid un paysage « tout imprégné de médecine » sur lequel il règne sans partage. Le Docteur Parpalaid finit même par le consulter pour sa propre santé (acte III). Ainsi la minable escroquerie de ce petit docteur de campagne met-elle en valeur les talents de Knock qui, rapidement, a su assurer "le triomphe de la médecine".

Plus qu’une critique des médecins,  « Knock » est surtout une leçon politique, c’est une mise en garde contre les techniques des dictateurs de toutes époques, contre ceux qui en enrobant leurs propos parviennent à annihiler les volontés, qui déstabilisent les esprits les plus critiques comme le docteur déstabilise les bien-portants en leur faisant croire qu’ils ne le sont pas.

Ce très beau rôle du répertoire a aussi été interprété par Fabrice Luchini, Michel Serrault et même Bourvil.

Extrait :

« « Tomber malade », vieille notion qui ne tient plus devant les données de la science actuelle. La santé n’est qu’un mot, qu’il n’y aurait aucun inconvénient à rayer de notre vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide. Naturellement, si vous allez leur dire qu’ils se portent bien, ils ne demandent qu’à vous croire. Mais vous les trompez. Votre seule excuse, c’est que vous ayez déjà trop de malades à soigner pour en prendre de nouveaux. »

 

Molière

Le Médecin malgré lui

Bibliocollège, Classiques Hachette, 2,95 euros

 

Le problème de Molière est qu’il est tellement étudié au collège, que très souvent les adolescents le voient comme une contrainte et ne veulent plus en entendre parler le reste de leur vie. Comment étudier les classiques sans en détourner les futurs adultes ?

« Le Médecin malgré lui » est une comédie-farce de Molière en trois actes représentée pour la première fois le 6 août 1666 au Théâtre du Palais-Royal. Dans cette pièce qui passe pour une farce sans conséquence, Molière mêle le thème du couple à celui de la médecine. La relation de couple est présentée dans ses trois états: la mésentente (Sganarelle et Martine), la résignation, le doute et la tentation (Lucas et Jacqueline) et la période initiale de l’ « Amour-Toujours » (Léandre et Lucinde). Tout au long de la pièce, il y a en permanence un chassé-croisé entre la parodie médicale et les aventures des trois couples.

« Le Médecin malgré lui » est une plaisanterie énorme, pleine d’imbroglios, de pots de chambre qu’on hume et de coups de bâton. L'humour est présent dès le départ. La scène de ménage qui ouvre la pièce est une des plus célèbres du théâtre classique. On passe insensiblement des reproches divers aux injures les plus variées et des injures aux coups. Un voisin qui vient au secours de la femme battue sert de bouc émissaire. « Je te pardonne mais je me vengerai » murmure Martine quand son mari s'en va couper du bois.

Le Médecin que Molière nous donne à voir n'est pas un vrai médecin, c'est Sganarelle, un bûcheron plein de ressources et d'astuces, déguisé « malgré lui » en médecin. On peut donc rire de lui, de son diagnostic, de ses explications, de ses remèdes. Ivrogne patenté, roublard grandiloquent, intéressé et lubrique, Sganarelle est un rêveur impénitent. Forcé de revêtir malgré lui l’habit de médecin, il ne tarde pas à s’identifier à sa robe. Consultations burlesques, abus de pouvoir, délires scatologiques, il ne nous épargne rien. On s’aperçoit peu à peu que cette parodie de la médecine n’est pas si loin de ce qui se passe à notre époque. La blouse blanche a remplacé la robe noire, les virus et les microbes ont pris la place des humeurs et des vapeurs, mais la relation du malade au médecin est restée la même. La peur de la maladie et de la mort mettent le médecin sur un piédestal. Le discours médical, incompréhensible par définition et par fonction, ne répond jamais à la question du malade qui est : « pourquoi suis-je malade? »

 

Extrait:

« Sganarelle. – Non, vous dis-je; ils m’ont fait médecin malgré mes dents. Je ne m’étais jamais mêlé si savant que cela; et toutes mes études n’ont été que jusqu’en sixième. Je ne sais point sur quoi cette imagination leur est venue; mais, quand j’ai vu qu’à toute force ils voulaient que je fusse médecin, je me suis résolu de l’être aux dépens de qui il appartiendra. Cependant, vous ne sauriez croire comment l’erreur s’est répandue, et de quelle façon chacun est endiablé à me croire habile homme. On me vient chercher de tous les côtés; et, si les choses vont toujours de même, je suis d’avis de m’en tenir toute ma vie à la médecine. Je trouve que c’est le métier le meilleur de tous; car, soit qu’on fasse bien, ou soit qu’on fasse mal, on est toujours payé de même sorte. La méchante besogne ne retombe jamais sur notre dos; et nous taillons comme il nous plaît sur l’étoffe où nous travaillons. Un cordonnier, en faisant des souliers, ne saurait gâter un morceau de cuir, qu’il n’en paye les pots cassés, mais ici l’on peut gâter un homme sans qu’il en coûte rien. Les bévues ne sont point pour nous, et c’est toujours la faute de celui qui meurt. Enfin le bon de cette profession est qu’il y a parmi les morts une honnêteté, une discrétion la plus grande du monde; et jamais on n’en voit se plaindre du médecin qui l’a tué.

Léandre. – Il est vrai que les morts sont fort honnêtes gens sur cette matière. »

 

Clinic - Le spectacle qui soigne

Il s’agit là d’un spectacle à aller voir. C’est une pièce de théâtre contemporaine dans laquelle les spectateurs ne sont pas embarrassés par le texte… puisqu’il n’y en a pas. Ici, pas de longues phrases ni de mots, la communication est basée sur de multiples onomatopées mais aussi sur un langage inventé et incompréhensible, et pourtant bien intelligible ! Parfois un mot est compréhensible et vient ajouter au gag visuel. Il n’y a pas de décor en dehors d’un écran sur lequel sont projetés des images illustrant la situation.

Du bloc opératoire au service psychiatrique en passant par la pouponnière, ce ne sont que gags d’une surprenante inventivité servis par des comédiens impeccables sur un mode « dessin animé » que Tex Avery n’aurait sans doute pas renié. L’heure est au burlesque, au décalé, à l'absurde… En résumé, du sang, des boyaux, des trachéos… Mieux vaut donc avoir le cœur bien accroché. Certaines scènes sont vraiment trash et gore et on rit jaune.

Cathy Puech, Stéphane Joly, Jean-Lou Chaffre, Jean-Lou De Tapia et Sarah Gellé, qui ont écrit et interprètent ce spectacle, s'en donnent à cœur joie ! La mise en scène est d’Eric Métayer.


Conseil numéro 29  [haut de page]

Nous allons cette fois-ci aborder un thème particulier puisqu’il s’agit de la série  « Les Simpson », un dessin animé très populaire. Si vous n’en n’avez pas entendu parlé, c’est que vous n’avez pas d’enfant de moins de 15 ans. La vie - souvent politiquement incorrecte - de cette famille, s’adresse non seulement aux enfants, mais aussi (surtout ?) aux adultes, du fait des très nombreuses références politiques, artistiques, culturelles ou cinématographiques. L’aspect médical y est souvent abordé, et un livre italien paru récemment analyse les très nombreux éléments scientifiques présents dans cette série.

 

Les Simpson

Série disponible en DVD


"Les Simpson" est une série américaine télévisée de dessins animés créée par Matt Groening en 1987. L’intégrale de la saison 12 paraîtra en France en septembre 2009. Aux Etats-Unis, ils en sont déjà à la 20ème saison. Chaque épisode comporte en moyenne 15800 dessins. Il faut 20 semaines pour en réaliser un et le travail d'environ 150 personnes. Cette série, dont le dessin peut paraître grotesque et simpliste, les dialogues parfois grossiers et vulgaires, est en fait extrêmement riche. L’apparition régulière de personnages réels (président des Etats-Unis, groupes de rock, acteurs, scientifiques…) joue un rôle important dans son succès.

Springfield est une petite ville typiquement américaine, avec son épicerie, son école, sa mairie, son poste de police, son bar, son centre commercial, sa télévision, ses hamburgers, sa centrale nucléaire… et sa famille Simpson. Caricature de la famille américaine moyenne, ils vivent au 742 Evergreen Terrace, un pavillon de banlieue tranquille. La famille Simpson est composée de cinq membres : Homer, Marge, Bart, Lisa et Maggie.

Homer, est un père de famille fainéant, inconscient, stupide et totalement immature. Sa principale occupation est de regarder la télévision en buvant une Duff, sa bière fétiche. Il est également obnubilé par la nourriture, notamment par les donuts. Il travaille à la centrale nucléaire de Springfield en tant que responsable de la sécurité mais passe ses journées à dormir.

Marge, son épouse, est une femme au foyer consciencieuse à la voix éraillée. Plus calme et plus réfléchie, elle assure un équilibre avec le côté impulsif de son mari.

Bart leur fils, est un petit garçon de 10 ans, plus intéressé par les bêtises que par les études. Il joue les pires tours à son père et au personnel de son école. Charmeur, enjôleur et meneur, il est le contraire de sa sœur avec qui il est souvent en conflit.

Lisa leur fille de 8 ans est surdouée et possède un très grand sens moral. Assoiffée de connaissance, elle est également passionnée de musique et joue du saxophone. Écologiste, bouddhiste et féministe, ses convictions politiques sont clairement démocrates et plutôt libérales. Lisa incarne la voix de la raison dans la série, mais elle n’est que rarement écoutée. Elle rêve d'être la première femme présidente des Etats-Unis.

Enfin, Maggie est l'éternel bébé de la famille. Elle suce tout le temps sa tétine. Âgée de 1 an, elle ne sait pas parler, mais elle est cependant parfaitement consciente de tout ce qui se passe autour d'elle. Elle a également montré à plusieurs reprises un certain talent dans le maniement des armes à feu.

Il y a bien sûr de très nombreux personnages récurrents, faciles à identifier et ayant chacun leurs travers, qui reviennent d’un épisode à l’autre.

La plupart des épisodes sont émaillés de références cinématographiques, picturales ou musicales, et les décors, certaines scènes, certaines musiques sont tirés de films ou séries télévisées connus. Il faut être très attentif pour les découvrir. Il y a également de nombreuses références picturales (tableaux, dessins, photographies célèbres). De plus, la série n’hésite pas à revisiter le passé (mythologie, histoire de France…) et même à se projeter dans le futur (d’ailleurs, Matt Groening est aussi l’auteur d’une série de science-fiction en dessin animé : « Futurama »).

Sur le plan médical, il y a 2 médecins à Springfield et un psychanalyste. Nick Riviera est médecin généraliste, chirurgien, chirurgien esthétique, cardiologue… C’est en fait un véritable escroc, il pratique la médecine sans aucun diplôme et est la honte du corps médical. Il ira jusqu’à pratiquer une opération au coeur à Homer. Le Docteur Julius Hibbert est médecin généraliste, il soigne toute la famille Simpson et a accouché Marge de ses trois enfants. Il se caractérise par son rire et les blagues qu'il raconte à ses patients quand ils sont malades. Ces plaisanteries ne font rire que lui mais ont peut-être des vertus thérapeutiques. Enfin, Marvin Monroe est le seul psychanalyste de Springfield, et il préfère s'occuper essentiellement de gens riches.

En 2003, la BBC a fait un sondage sur Internet afin d'élire "le plus grand Américain de tous les temps" et c’est Homer Simpson qui est arrivé en tête avec 47 % des 37 000 votes exprimés sur le site. Suivi, dans l'ordre par Abraham Lincoln, Martin Luther King, Thomas Jefferson, Georges Washington… chacun d'eux n'ayant pas obtenu plus de 10 % des suffrages !

 

Marco Malaspina

Les simpson et la science

Vuibert, 16 euros

A travers cet ouvrage l’auteur essaie de nous expliquer en quoi la série « Les Simpson » peut nous permettre de mieux comprendre les grands problèmes scientifiques contemporains. Dans ce livre d’abord paru en Italie en 2007, un chapitre entier est consacré à la médecine : le chapitre 3 intitulé « Tant qu’on a la santé ». Le dessin de couverture de Jul (qui travaille à Charlie Hebdo), pour l’édition française, rend bien sûr hommage à l’humour d’Albert Einstein.

La science est très souvent abordée dans la série « Les Simpson », d’autant plus qu’Homer travaille (si l’on peut dire…) dans la centrale nucléaire de Springfield, ce qui a pour conséquence de nombreuses catastrophes. Les dangers de l’énergie nucléaire justement, les batailles de l’écologie, l’économie de la santé, l’industrie de la malbouffe, la médiatisation de l’astronomie (avec Stephen Hawking en guest-star), l’enseignement des sciences, la résurgence du créationnisme sont autant de thèmes dont Marco Malaspina - qui est astrophysicien, chroniqueur et animateur d’une émission de vulgarisation scientifique à la radio - montre l’acuité critique de leur traitement dans cette série.

En fait, l’auteur montre tout au long du livre qu’à chaque fois que les Simpson évoquent quelque chose de vraiment scientifique, souvent à travers la parole de Lisa, « les scénaristes ont l’habileté d’accélérer le rythme des dialogues, jusqu’à les rendre presque inintelligibles, réduisant de ce fait pratiquement à zéro le danger que les téléspectateurs apprennent quoi que ce soit. ». En clair, « personne ne pourra qualifier les Simpson de dessin animé didactique. »

Pourtant, Malaspina prend la peine de nous expliquer à quel point les Simpson jouent un rôle sociétal important. Dès les premières lignes il nous rappelle que Le Time l’a qualifié de meilleur programme télévisuel des années 90, et que parmi tous les prix que la série a remportés on compte le Peabody Award - reconnaissance récompensant le plus souvent un journaliste d’investigation - attribué à la série en 1996 pour « son acerbe satire sociale ». Tout au long de cet ouvrage, il nous montre que d’un strict point de vue scientifique, la série Simpson s’avère être une véritable mine d’or.

Ainsi, ce livre permet de lever quelques énigmes sur les anecdotes placées dans les épisodes des Simpson. Par exemple, le mot écrit par Maggie avec ses cubes « EMCSQU » est en fait la traduction en lettres de la célèbre équation E=Mc² (EMC square). De même, dans l’épisode où Homère est perdu dans la troisième dimension, il croise des égalités telles que 1+1=2, mais aussi 1782²+1841²=1922². Cette dernière égalité n’a pas été choisie au hasard, il s’agit de l’illustration du théorème de Fermat selon lequel il n’existe pas de solutions entières positives à l’équation an + bn = cn pour n > 2. Pourtant, si on la vérifie à la calculatrice, l’égalité choisie par les auteurs semble juste. L’erreur provenant du fait que notre calculatrice ne peut afficher suffisamment de caractères. Rien n’est laissé au hasard, même la théorie d’un monde en forme de donut évoqué par Homer renvoie réellement à un fait scientifique, la théorie dite du modèle toroïdal. Tout ça parce que l’équipe de scénaristes des Simpson comprend de nombreux scientifiques diplômés d’Harvard. Ce qui explique aussi la présence de nombreux scientifiques en guest dans la série comme Dudley Herschbach qui déclara que son passage dans les Simpson a été plus marquant sur son CV que son prix Nobel de chimie (1986).

Enfin, pour Malaspina « Le punching ball des scénaristes des Simpson est sans l’ombre d’un doute le système médical américain ». D’ailleurs, comme l’indique Homer avec patriotisme : « T’en fais pas, Marge. Le système de santé américain est seulement second derrière le Japon… le Canada, la Suède, la Grande-Bretagne… toute l’Europe. On peut remercier notre bonne étoile, on ne vit pas au Paraguay. » La critique du système de santé est particulièrement bien mise en valeur par la rivalité entre les deux médecins de Springfield. Le docteur Hibbert qui a inscrit sur la porte de son cabinet « organisation à but lucratif » et le docteur Riviera qui prend des cours sur cassette vidéo avant chaque intervention qu’il réalise pour seulement 129$99. Malaspina montre aussi que beaucoup de sujets médicaux contemporains sont traités dans les Simpson: que ce soit la repousse des cheveux, l’infertilité, la marijuana médicinale, le trafic de médicaments dans les pays pauvres ou les pilules pour calmer les enfants au comportement antisocial. 

Extrait :

« En décembre 1998, les médecins canadiens, en feuilletant le numéro de Noël du Canadian Medical Association Journal, revue scientifique qui existait déjà depuis un siècle, tombèrent sur un article au titre inhabituel : « D’oh ! An analysis of the medical care provided to the family of Homer J. Simpson”. Et il ne s’agit pas d’une homonymie: l’article, signé de Robert Patterson et Charles Weijer, respectivement chirurgien et professeur de bioéthique, fait bien référence à la plus célèbre famille de Spingfield. Il s’agit plus précisément d’une comparaison entre les deux médecins des Simpson, Julius Hibbert et Nick Riviera. Une comparaison qui vise à déterminer lequel de ces docteurs animés incarne le mieux le modèle que tout bon médecin du XXIe siècle devrait suivre pour adhérer au standard de l’assistance sanitaire contemporaine, c’est-à-dire savoir allier efficacité du management, limitation des coûts et satisfaction de la clientèle. La cible du sarcasme de Patterson et Weijer est le modèle d’entreprise de santé publique qui se répand aussi bien au Canada qu’en Italie [sans parler de la France], avec son cortège pompeux d’excellence, d’apprentissage constant, d’efficacité, de pratiques innovatrices, de risques d’entreprise, sans oublier l’immanquable mission, entre l’enthousiasme de nombreux managers et politiques et le malaise de tout aussi nombreux ouvriers et patients. »

 
Le film

Un film avec les personnages de la série est sorti en 2007 (disponible en DVD). Dans le film, suite à une pollution du lac de Springfield provoquée par Homer Simpson avec des déchets toxiques, le gouvernement américain (le président des Etats-Unis étant Arnold Schwarzenegger qui, lorsqu’il doit choisir parmi différents plans, prononce cette phrase : « On m'a élu pour agir, pas pour lire. ») décide que la ville entière est devenue une menace globale pour l'environnement du pays et recouvre donc Springfield d'une immense cloche dans l'intention d'y éradiquer toute forme de vie. Il faut noter que l’une des chansons du film, « Spider-Cochon » a eu un franc succès et a été souvent téléchargée comme sonnerie de téléphone.


Conseil numéro 28  [haut de page]

Nous allons cette fois-ci aborder le thème des « Ouvrages de référence ». Pour la médecine, il s’agit bien sûr de l’œuvre médicale d’Hippocrate. Pour la chirurgie, nous avons choisi Ambroise Paré qui peut être considéré comme le père de la chirurgie moderne et qui a essayé de vulgariser son savoir en écrivant en français et non pas en latin.

 

Hippocrate

De l’art médical

Livre de poche, 9,95 euros (sur Internet)

Il s’agit d’une édition qui date de 1994 et qui reprend une traduction d’Emile Littré.

Né dans la confrérie médico-religieuse des Asclépiades, qui étaient les descendants présumés des dieux de la Médecine, Hippocrate est éduqué par sa famille avant de compléter sa formation à Athènes. Lors de nombreux voyages, il parfait ses connaissances et donne des cours qui seront largement diffusés par ses disciples. Hippocrate a donné son caractère scientifique à la médecine qui jusqu'alors détenait un caractère profondément sacré. En effet, c'est le premier en Occident à voir dans tous les symptômes des causes uniquement naturelles et à définir le but de la médecine : seconder la nature et avant tout ne pas nuire. Aujourd'hui encore, la profession médicale reste fidèle aux devoirs édictés par Hippocrate dans son célèbre « Serment ». Pour Hippocrate, « La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugitive, l’expérience trompeuse, le jugement difficile. »

Il met en place les bases de la médecine rationnelle, qu’il ne dissocie pas de la pratique dont il célèbre la valeur fondamentale. Ainsi Hippocrate pose-t-il les bases d’un véritable art médical où il dégage l’intérêt des techniques du diagnostic et des soins, qu’il associe également à une vision philosophique et éthique du vivant. La médecine dispose d’un langage spécifique et elle peut mettre en avant des réalités, ce qui lui permet (à l’encontre des détracteurs du médecin qui considèrent sa pratique incertaine et aléatoire) de guérir ou d’atténuer les maux. Le médecin est celui qui est capable de raisonner sur les cas présents en se référant aux cas passés auxquels ils ressemblent. Les ressources qui caractérisent l’art médical sont au nombre de trois : 1) Opposer les maladies visibles auxquelles il s’attaque aux maladies invisibles ; 2) Souhaiter une alliance entre le malade et son médecin ; et 3) La médecine est un art qui connaît ses limites, et qui est raisonnable en ce qu’elle refuse de prendre en charge les cas désespérés.

Même si tous les malades ne guérissent pas, même si certains guérissent sans médecin, Hippocrate pose qu’en médecine, le hasard n’existe pas. L’art médical est donc ce qui permet de « plus prouver par des faits que par des paroles ». Cet art est par ailleurs bien attesté par l’adresse et l’habileté du médecin qui est en même temps un praticien. Ce même médecin peut donc prêter le fameux serment : s’engager envers les malades à chercher toujours leur bien, c’est-à-dire à sauvegarder la vie actuelle et à venir, à respecter leur personne et leur intimité. Il y a bel et bien un engagement moral de la part du jeune médecin. Cette expression d’une déontologie de la médecine veut éviter les critiques et les accusations répandues contre la médecine et son inefficacité. Par le serment, le médecin s’engage dans son art à s’interdire toute interprétation douteuse, il s’engage à protéger les intérêts du malade qui sont inséparables des siens propres.

Extrait :

« La règle du médecin doit être d’avoir une bonne couleur et de l’embonpoint, suivant ce que comporte sa nature ; car le vulgaire s’imagine que ceux dont le corps n’est pas ainsi en bon état ne sauraient soigner convenablement les autres. Puis il sera d’une grande propreté sur sa personne, mise décente, parfums agréables et dont l’odeur n’ait rien de suspect ; car, en général, tout cela plaît aux malades. Quant au moral, l’homme sage non seulement sera discret, mais aussi il observera une grande régularité dans sa vie ; cela fait le plus grand bien à la réputation ; ses mœurs seront honorables et irréprochables, et, avec cela, il sera pour tous grave et humain ; car se mettre en avant et se prodiguer excite le mépris, quand même ce serait tout à fait utile. Qu’il se règle sur la licence que lui donne le malade ; car les mêmes choses se présentant rarement aux mêmes personnes sont bienvenues. Quant à l’extérieur, il aura la physionomie réfléchie, sans austérité ; autrement il paraîtrait arrogant et dur ; d’un autre côté, celui qui se laisse aller au rire et à une gaieté excessive est regardé comme étranger aux convenances ; et cela, il faut s’en préserver soigneusement. La justice présidera à toutes ses relations, car il faut que la justice intervienne souvent ; ce ne sont pas de petits rapports que ceux du médecin avec les malades ; les malades se soumettent au médecin, et lui, à toute heure, est en contact avec des femmes, avec des jeunes filles, avec des objets précieux ; il faut, à l’égard de tout cela, garder les mains pures. Tel doit être le médecin pour l’âme et pour le corps. »

 

Amboise Paré

La manière de traiter les plaies

Presses Universitaires de France, 35 euros

 

Cette édition en fac-similé est présentée avec en illustration de couverture une main artificielle imaginée par Ambroise Paré pour remplacer le membre manquant. C’est un très bel objet à feuilleter qui reproduit l’édition originale avec de nombreuses illustrations en couleur (en particulier le rouge sang des plaies) et qui vaut surtout par l’admirable préface de Marie-Madeleine Fragonard, Professeur de littérature à Paris III. En effet, le texte d’Ambroise Paré étant en ancien français avec les caractères d’imprimerie de l’époque, il est pratiquement illisible pour un lecteur non spécialisé. On peut donc regretter que l’éditeur n’ait pas mis en fin d’ouvrage une version en français moderne des passages les plus significatifs.

Ambroise Paré est le chirurgien des champs de bataille, le père de la chirurgie moderne. Autodidacte ne sachant ni le grec ni le latin, il publia à dessein ses ouvrages en français. C’était un chirurgien en lutte contre les médecins, un homme formé sur le terrain que le roi a du imposer, un homme humble devant l’inconnaissable et les difficultés de son art. Il se bat contre les idées toutes faites, au nom de l’expérience et de l’observation. On pourrait résumer sa philosophie par : « J’ai vu, j’ai fait, j’ai déduit ».

L’usage nouveau des armes à feu conduit à de nouvelles plaies que l’on cautérise au fer rouge ou à l’huile bouillante au risque de tuer le blessé. Ambroise Paré a mis au point la ligature des artères, qu'il substitue à la cautérisation, dans les amputations et il est l'inventeur de nombreux instruments qui figurent en illustration dans son texte.

Le thème des plaies par armes à feu a déjà été traité à l’époque par Jean de Vigo, chirurgien du Pape Jules II, dans un ouvrage édité à Rome en 1514 et traduit en français en 1525. C’est d’ailleurs lui que réfute Paré lorsqu’il écrit que les plaies ne sont pas vénéneuses. Après ce premier ouvrage de 1545, Ambroise Paré a écrit des ouvrages plus ambitieux, mais il s’agit ici du texte fondateur dans lequel il réfute les pratiques admises. La manière de traiter les plaies illustre la science en français, compréhensible et didactique : il faut que l’utilité et le plaisir du lecteur s’équilibrent.

Le fait d’avoir ici une édition coloriée fait ressortir des éléments que la gravure en noir et blanc laisserait presque inaperçus. Ces gravures n’ont pas la mise en scène de celles de Vésale mais elles sont au contraire très réalistes, en situation, en action : la balle retirée coincée entre les branches des pinces, le doigt médian coupé par les cisailles, la jambe transpercée par les flèches avec les différents types de tenailles pour pouvoir les extraire.

Extrait de la préface de Marie-Madeleine Fragonard :

« Tant de loyaux services lui valent d’être l’objet d’un passe-droit royal. Paré ne sait pas de latin ? Qu’importe, qu’il en apprenne juste assez pour répondre aux questions prévisibles et, avec un gros cadeau royal, le voilà prêt pour une réception gratuite au collège de Saint-Côme. La demande faite le 18 octobre 1553, il est reconnu apte le 23, bachelier le 27 malgré des barbarismes, le 8 décembre licencié, le 17 décembre docteur en chirurgie… pour une soutenance en français qui viole horriblement les coutumes. Le chirurgien du roi voit son savoir reconnu, par la protection royale, et non du fait de sa seule science. »

« (…) Il fait face au cas extraordinaire et qui a inspiré les gravures du XIXe siècle : l’accident du roi Henri II (…).Au demeurant, ce n’est pas le premier accident de tournoi que soigne Paré, et il semble n’y avoir tenu qu’un rôle objectivement mineur, aux côtés de tous les médecins de Paris, voire de France et des monarchies voisines, assemblés au chevet du roi, cette agonie royale encourageant elle-même la méthode expérimentale qui consiste à utiliser des condamnés à mort pour reproduire la blessure, donc les ravages, donc la façon de faire le moins possible de dégâts supplémentaires en retirant le morceau de lance. Le roi Henri II mort, Paré devient chirurgien de François II, puis de Charles IX (…). »

 

Autre ouvrage de référence

Pour la gérontologie, on n’oubliera pas de citer le De Senectute ou « Savoir vieillir » de Cicéron (106-43 avant JC). Ce court texte écrit sous la forme de dialogues met en scène Caton l’Ancien (234-149 avant JC) alors âgé de 84 ans ce qui était tout à fait exceptionnel pour l’époque. Cicéron insiste particulièrement sur le rôle de conseiller que peuvent jouer les vieillards et il critique point par point « les quatre raisons possibles de trouver la vieillesse détestable. 1) Elle nous écarterait de la vie active. 2) Elle affaiblirait notre corps. 3) Elle nous priverait des meilleurs plaisirs. 4) Elle nous rapprocherait de la mort. »



Conseil numéro 27 [haut de page]

Nous allons cette fois-ci aborder le thèmes des « Urgences » à travers deux auteurs français. Tous deux sont médecins et ont travaillé aux urgences de deux grands hôpitaux parisiens : Saint-Antoine et Tenon. Il s’agit du très médiatique Patrick Pelloux et du plus discret Dominique Meyniel. Tous deux ont raconté leur vision des urgences et des malades.

 

Patrick Pelloux

Urgentiste

Fayard, 18 euros

A distance de la canicule de 2003, il est intéressant de lire ou de relire le livre de Patrick Pelloux (en faisant abstraction du coté « moi je ») qui dissèque les événements qui ont eu lieu cet été là. La question qui reste posée est : que se passerait-il aujourd’hui en cas de situation analogue ? Malheureusement, il est fort probable que notre système de santé serait à nouveau débordé.

L’auteur, qui est depuis 1998 à la tête de l'Amuhf, l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France est maintenant connu de tous les Français. Il travaillait à l’époque dans le service des urgences de l’hôpital Saint-Antoine à Paris (1995-2008) et il a été le premier à donner l'alerte, et à annoncer la menace d'une catastrophe humanitaire pour le pays. Dans ce livre, il raconte la chronologie et les événements quotidiens de l'hécatombe d'août 2003. Il évoque aussi ses relations difficiles avec les conseillers du ministre de la santé de l’époque Jean-François Mattei, les responsables de l'appareil de la santé publique, les élus politiques et, bien sûr, les jeunes journalistes des médias, seuls présents à Paris cet été-là. Dans la dernière partie, il dresse le constat de la situation alarmante de l'hospitalisation publique, la privatisation à bas bruit et le marasme qui se sont emparés des hôpitaux.

Depuis 2003, Patrick Pelloux a continué de se distinguer par son implication dans la défense de l'hôpital public et du service public qui y est rendu. Il est très actif dans les médias et a plaidé la cause de l'hôpital public auprès des gouvernements successifs. Il est régulièrement réélu à la tête de l'Amuf (le nom de l'association a perdu son « H », ne se composant plus uniquement d'hospitaliers) qui compte 2 000 médecins urgentistes. Il est également vice-président de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, une des organisations intersyndicales regroupant les praticiens hospitaliers de toutes les disciplines médicales et pharmaceutiques. En septembre 2008, il a été renvoyé de l'hôpital Saint-Antoine et muté au SAMU de Paris.

Par ailleurs il tient une chronique dans Charlie Hebdo où il raconte des histoires vécues à son travail et dénonce les conséquences des décisions politiques prises par les différents gouvernements sur l'hôpital public. Ces chroniques sont parues en recueil sous le titre « Histoire d'urgences » aux éditions du Cherche Midi (2007). Il a reçu un prix de l'Institut de France pour ses écrits en 2005 (prix Cino Del Duca). Il intervient aussi comme chroniqueur dans l'émission « Le Magazine de la santé » sur France 5 et très souvent à la radio où il intervient comme chroniqueur sur Europe 1.
Ce livre n’a pas été édité en format poche et il faut le rechercher sur Internet.

Extrait :

« Désormais les enjeux politiques autour de la question de l’hôpital sont débattus publiquement. Il suffit, chaque jour, de consulter la presse pour juger de l’ampleur des problèmes auxquels l’appareil de santé est confronté. Les marchandages entre les élus et les institutions autour du maintien ou non des maternités locales, des services d’urgence, de la fermeture de lits hospitaliers concernent tous les Français. La Républiqueveut-elle maintenir l’égalité territoriale des soins ? La multiplication des crises sanitaires – sang contaminé, vaccination contre l’hépatite B, les effets de la « vache folle », affections nosocomiales, légionelloses – finit par entacher la réputation de la santé publique dans nos régions. Fort ébranlés déjà par la mise à l’encan des principaux services publics, les Français, qui tiennent à la démocratie sanitaire comme à la prunelle de leurs yeux, se rendent compte que l’hôpital n’est déjà  plus l’hôpital. La pensée économique unique détruit  lentement les principes de ce patrimoine républicain. Si cet ultime espace d’égalité était plus menacé encore, une crise sociale sans précédent s’ensuivrait. »

 

Dominique Meyniel

Le couloir des urgences

Le livre de poche, 4 euros 50

 
Dominique Meyniel qui était le chef de service des urgences de l’hôpital Tenon (qu’il prend plaisir à appeler l’hôpital de Ménilmontant) est depuis 2006 chef du pôle UMT (Urgences, Médecine, Tête). Dans ce livre fait de petites histoires vécues, il entend ne rien prouver, ni ne rien dénoncer. Il ne s’agit en aucun cas d’un livre de polémique. Il raconte, il témoigne. Il nous rappelle que la meilleure médecine du monde ne saurait oublier la compassion, l’écoute, l’attention à l’être humain. Derrière chaque plainte et derrière chaque situation qui peut sembler surprenante, il faut discuter avec le malade et sa famille pour mieux les comprendre. Il considère que le chef de service des urgences est un peu le bouc émissaire de l’hôpital et qu’il est chargé de recevoir et de répondre à toutes les plaintes des malades et des familles. Il se compare au Malaussène de Pennac. Le texte est donc composé de nombreuses lettres répondant à des plaintes adressées à l’hôpital. Ces lettres sont toujours pleines d’humour. Cet humour traduit l’absurdité de beaucoup des situations vécues aux urgences. De l'horreur à la tendresse, en passant par la dérision, elles expriment avec éloquence le quotidien d'un lieu où s'entrecroisent des destinées en déséquilibre. Un témoignage pour une réflexion sur notre société et ses exclus: malades, psychotiques, SDF, personnes physiquement ou moralement seules. Il s’agit d’un quotidien presque banal, loin de ce que l’on peut voir dans la série américaine « Urgences ».

Les exemples donnés en quatrième de couverture donnent bien le ton du livre : « Pourquoi cet Africain veut-il un certificat qui établisse qu’il n’est pour rien dans la mort de son épouse ? Pourquoi l’infirmière Rose pousse-t-elle le dévouement jusqu’à venir travailler hors de son temps de service, au point de se rendre importune ? Pourquoi la famille absente d’un patient mort du sida accuse-t-elle soudain les médecins de non-assistance à personne en danger ? »

L’extrait que nous avons choisi montre bien les dérives actuelles de notre  société et le ton plein d’humour du livre. 

Extrait :

« Monsieur le Directeur,

Je vous remercie de m’avoir transmis le courrier de Monsieur X., adressé au ministre de la Santé et au président de la république, exprimant son profond mécontentement quant aux conditions de sa prise en charge aux urgences. Monsieur X. a été conduit aux urgences par les pompiers de Ménilmontant, à la suite d’un malaise sur la voie publique, révélateur d’un infarctus du myocarde antéro-septal. A son arrivée dans le service, il était en arrêt cardio-respiratoire et a été intubé , ventilé et massé pendant 10 minutes au cours desquelles ont été pratiqués 3 chocs électriques externes et l’injection d’une dose cumulée de 10 mg d’adrénaline. A la reprise d’une hémodynamique compatible avec un transfert, nous avons adressé Monsieur X. dans le service de soins intensifs où il a bénéficié d’une angioplastie. Les suites ont été simples et Monsieur X. a pu regagner son domicile au 10e jour.

Il est possible que ce soit au cours des manœuvres de réanimation initiales qu’ait malheureusement été égarée la pipe de Monsieur X. auquel je vous demande de transmettre toutes nos excuses… »

 

Leur actualité

Patrick Pelloux vient de sortir un nouveau livre « Urgences pour l’hôpital » (14 euros) dans lequel il développe le débat sur l’avenir de l’hôpital public. A signaler aussi le livre plus amusant « J’aime pas la retraite » (10,50 euros) avec le dessinateur Charb et rédigé entièrement dans l’esprit Charlie Hebdo.

Il est intéressant de noter que les deux urgentistes ont le même éditeur : le cherche midi. Dominique Meyniel vient d’y publier un ouvrage qu’il a dirigé sur « Tenon, l’hôpital de Ménilmontant » (30 euros). Il s’agit d’un ouvrage historique, très richement illustré, reprenant l’évolution médicale et architecturale de l’hôpital Tenon depuis son ouverture en 1878. Verlaine y a séjourné et l’appelait le « littéral palais ». Le chapitre sur la tuberculose, basé sur les registres des décès conservés depuis l’ouverture de l’hôpital est particulièrement intéressant. On y voit bien le fléau qu’a été cette maladie jusqu’en 1952 et la découverte de l’isoniazide (Rimifon).


Conseil numéro 26 [haut de page]

Nous allons cette fois-ci explorer le domaine de l’ « introspection » à travers 2 romans, l’un irlandais et l’autre américain. Les deux concernent des hommes âgés qui approchent du terme de leur vie et qui font le point avec plus ou moins d’honnêteté. Même s’ils sont issus de milieux très différents, il y a finalement de nombreux points communs entre les personnages de ces deux romans, en particulier, ils ont commis beaucoup d’erreurs et finissent pas se retrouver seuls. Au final, ces deux ouvrages donnent une vision très pessimiste de la vieillesse.

 

Robert McLiam Wilson

La douleur de Manfred

10/18 domaine étranger, 7,80 euros
 

Ce roman publié en 1992 en Grande-Bretagne, n’a été traduit en français qu’en 2003. Une phrase résume bien le style concis et souvent plein d’humour de cet auteur né à Belfast ouest en 1964 : « Il était né en février, ce mois rabougri. »

Dans ce livre, l’auteur décrit les derniers jours d’un vieillard solitaire et brisé, Manfred, qui souffre d’un certain nombre de douleurs qu’il revendique et même qu’il accepte comme une sorte de rédemption. Il sait qu’il va mourir sous peu. Il y a d’abord une douleur physique, lancinante qui lui tenaille le ventre, le détruit à petit feu et qu’il refuse de confier aux médecins : il ne veut pas qu’on le soigne. Mais surtout, il abrite des souffrances plus intimes : celles liées au souvenir de la Seconde Guerre mondiale et, principalement, celles de son mariage avec Emma, une rescapée des camps de la mort. Et cette souffrance pernicieuse, c’est le remord d’avoir battu sa femme. C’est pourquoi Manfred s’accommode parfaitement de sa mort programmée, qu’il préfère de loin au suicide. Convaincu qu’il mérite son triste sort, il refuse de prendre les médicaments qui pourraient peut être apaiser sa douleur.

Robert McLiam Wilson décrit avec une précision clinique les principaux événements qui ont marqué la vie de Manfred, en particulier son adolescence pendant l'entre-deux-guerres, son éducation dans une modeste famille juive et les humiliations antisémites dont son père fut victime. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Manfred est envoyé en Afrique, puis en Italie. Il connaît l’horreur des champs de bataille, l’odeur putride des corps qu’il faut déblayer. Puis vient l'après-guerre à Londres et le bonheur des premières années de vie commune avec Emma, une Tchèque rescapée de la Shoah. Sans qu’on ne sache vraiment pourquoi, à la naissance de leur fils Manfred devient jaloux, d’une jalousie pathologique. Le long déclin de Manfred commence alors, le jour où il bat sa femme pour la première fois. Puis vint la deuxième fois. Puis la troisième. Puis la quatrième. Puis la cinquième. Le jour où la brutalité de son époux a atteint son paroxysme, Emma décide de lui dévoiler les détails sordides de son passage à Birkenau, où elle a perdu toute sa famille. Manfred comprend alors que ses actes sont définitivement impardonnables et qu’il n’a plus d’autre choix que de quitter le domicile conjugal.

L’auteur nous fait partager les affres physiques et morales, les tourments, les joies et les indignations d’une «fin de vie» où le tragique et souvent le burlesque s’entremêlent. En tout état de cause, ce roman dérange parce qu'on s'attache à Manfred, un personnage hors du temps, à la politesse exquise et surannée. Mais cette compassion devient plus difficile à assumer au fur et à mesure du livre en raison des actes qu’il a commis sur sa femme.

En médecine, lorsqu’on prend en charge un malade âgé, on le voit à un temps t avec ses problèmes actuels. Pourtant ce livre montre bien qu’un tableau clinique isolé est difficile à interpréter si on n’a pas toute l’histoire de vie du patient.

 

Extrait :

« Mais son cou le déprimait. C’était un sac de bourrelets, de plis et d’affaissements. Son menton lâchait une voile bulbeuse de chair et de chaume sur sa gorge. Quand il tournait la tête, son cou oscillait et s’allongeait pour le faire ressembler à une volaille lugubre, dissipée. Il s’étonnait que les gens ne manifestent aucune révulsion à la vue d’un tel délabrement, mais il comprenait alors qu’il n’avait rien d’exceptionnel. Voilà exactement comment les gens imaginaient les vieillards.

Manfred fut surpris de se trouver vieux. Ce constat évoquait une évolution impossible, improbable. Comment était-ce arrivé ? Il n’avait pas remarqué la venue de la vieillesse. Comme d’autres, il avait compté les années et elles s’étaient présentées à lui avec la régularité implacable de son déclin, mais un jour les preuves constatées par ses yeux lui tendirent une embuscade imprévue. Il soupçonna quelque injustice. Il se demanda si d’autres gens de son âge se considéraient comme étant vieux. Sans doute que non. Le territoire commun partagé par tous ces gens était celui de leur jeunesse, et non l’accident de leur décrépitude. »

 

Philip Roth

Un homme

Gallimard, 15,50 euros
 

Il s’agit du 27ème roman de Philip Roth. En début du livre, une citation de John Keats qui commence par « Ici-bas, où les hommes ne s’assemblent que pour s’entendre gémir », donne le ton.

Il s’agit de conter l'existence d'un homme ordinaire, en utilisant le fil conducteur de ses séjours à l'hôpital, rares dans sa jeunesse, puis annuels, puis quotidiens, puis plus rien. Il ne porte pas de nom. Il est « un homme ». Tous les hommes. «Everyman», comme l'indique le titre original du livre. Un homme comme les autres, fils d'un bijoutier, devenu publicitaire reconnu dans une agence de New York, puis peintre retraité talentueux. Un homme dont la vie amoureuse fut un échec : trois mariages, trois divorces. Une première femme par convenance ; une seconde par amour ; une dernière, mannequin de vingt-quatre ans, pour le sexe. De son premier mariage, il a eu deux fils qui le méprisent et du second, une fille Nancy qui l'adore. Il est le frère bien-aimé d'un homme sympathique (Howie) dont la santé vigoureuse lui inspire amertume. Sa vie est faite de souvenirs d’hospitalisations et de maladies : amygdales, hernie, appendicite, pontages, angioplastie, stents coronariens, stent rénal, défibrillateur, endartériectomies… Sans parler de toutes les pathologies de son entourage ! Entre une péritonite aiguë et un quintuple pontage coronarien, l'auteur aborde les questions essentielles de la fin de vie. Car avec la maladie et la solitude viennent les interrogations sur la vie, sur sa vie. Les choix non assumés, la culpabilité d'avoir été un mauvais père ou un destructeur de bonheur.

Philip Roth traque le vieillissement inéluctable de son personnage, les opérations successives qu'il subit, la retraite, l'ennui, l'absence d'illusions, les derniers espoirs si désespérément vains et pathétiques pour séduire, lui qu'affolait le moindre jupon, la plus prévisible des secrétaires, la plus aguicheuse des mannequins, et surtout le gâchis de la vie, des mariages ratés et la mort au bout de la route... La mort surtout, qui ouvre ici le roman, car tout commence précisément par cette mort, par les obsèques du héros, dans un petit cimetière juif quasiment à l'abandon, quelque part près de Newark, au bout d’un aéroport. Le livre s’achève sur un lit d’hôpital où la mort prend le relais d’une anesthésie générale, réclamée par le « patient » à l’approche d’une nouvelle opération qui semblait plutôt banale. Ce roman est assiégé par la mort, la vieillesse, la maladie et ses corollaires : la souffrance physique, l'affaiblissement, la décadence du corps, l'aigreur. Il décrit admirablement combien, passé un certain âge qui coïncide avec la fin de l’activité, l’oppression de la douleur physique peut tourner à l’obsession. Combien cette soumission à l’état incertain du corps devient une aliénation. Combien la mémoire sape le moral. Perclus de souvenirs, bons ou mauvais, la vie s’achève, dans l’impuissance, entre regrets et remords, avec un pathétique besoin de réconfort que rien ne parvient vraiment à rassasier.

 

Extrait :

« A l’intérieur du bloc, une demi-douzaine de personnes évoluaient sous la lumière aveuglante. Il ne put distinguer le chirurgien des autres soignants. Son visage sympathique l’aurait rassuré, mais il n’était pas encore là, ou alors il s’était mis dans un coin où il ne pouvait pas bien le voir. Plusieurs des jeunes médecins avaient déjà passé leur masque, qui leur donnait des allures de terroristes. L’un d’entre eux lui demanda s’il souhaitait une anesthésie locale ou générale, sur le même ton qu’un serveur lui aurait demandé s’il préférait du vin rouge ou du blanc. Il fut désarçonné – il était bien temps de se préoccuper de ce choix ! « Je ne sais pas, répondit-il, qu’est-ce qui vaut mieux ? – Pour nous, l’anesthésie locale. On suit bien mieux le fonctionnement du cerveau sur le moniteur si le patient est conscient. – Vous me dites que l’anesthésie locale est plus sûre, c’est bien ça que vous me dites ? Alors, va pour l’anesthésie locale. »

Ce fut une erreur. Une erreur à peine supportable : l’opération dura deux heures, qu’il dut subir en suffoquant, la tête emmaillotée dans un linge ; l’artère sectionnée et grattée se trouvait si proche de son oreille qu’il entendait le moindre mouvement des instruments comme dans une chambre d’écho. Mais il n’y avait rien à faire ; pas question de se débattre. Serrer les dents. Ne pas donner prise à la douleur, attendre que ça passe. »

Autre ouvrage de Philippe Roth

Il faut surtout évoquer le très célèbre « Portnoy et son complexe ».

Le roman apparaît comme une longue confession, un long monologue qu’Alexander Portnoy livre sans pudeur à son psychanalyste. Il raconte sa vie de fils d'immigré juif dans un style littéraire provocateur qui fit grand bruit à la sortie du livre en 1969. Tout est dit au début du roman : Portnoy, qui a 33 ans, a un problème avec les femmes. Trouble caractérisé par un perpétuel conflit entre de vives pulsions d'ordre éthique et altruiste et d'irrésistibles exigences sexuelles, souvent de tendance perverse. Il doit ce "problème" à son éducation maternelle et à sa religion. Sa mère est excessive comme seules savent l'être les mères juives. Son père Jack vit terrifié par la constipation qui menace sans cesse ses entrailles. Portnoy, lui, prend conscience de sa sexualité avec excès. Adolescent, il se masturbe avec délectation ; adulte, il multiplie les conquêtes féminines, incapable de se fixer, incapable de se limiter à une seule compagne. Portnoy aime la variété, il savoure chaque nouvelle partenaire sexuelle en collectionneur. Les titres des chapitres sont évocateurs, comme « la branlette » et « fou de la chatte » par exemple, et en disent long sur les tendances sexuelles du personnage.

 

Conseil numéro 25 [haut de page]

Nous allons aborder cette fois-ci le thème du « Terrorisme » à travers 2 romans très différents. Dans le premier, l’univers médical est secondaire, même si le personnage principal est médecin ; ce qui compte c’est d’essayer de comprendre comment on peut en arriver à un geste aussi extrême que de se faire sauter avec une bombe. Le second est un roman policier qui explore une technique médicale très particulière pour faire passer des messages secrets dans le milieu du terrorisme international. Même si le thème traité est grave, il y a une très grande part de fantaisie et d’humour dans ce deuxième ouvrage.

 

Yasmina Khadra

L’attentat

Pocket, 6,46 euros

Yasmina Khadra est en fait un homme qui est né dans le Sahara algérien en 1955. De son vrai nom Mohammed Moulesseshoul, il a pris un pseudonyme lors de ses premiers romans pour des raisons de sécurité, car il était encore dans l’armée algérienne. Depuis il a toujours conservé ce nom qui l’a rendu célèbre.

Le roman commence par un attentat (dont la description minutieuse saisie d’emblée le lecteur) et finit par un autre attentat. Amine, chirurgien israélien d'origine palestinienne, a toujours refusé de prendre parti dans le conflit qui oppose son peuple à son pays d'adoption et s'est entièrement consacré à son métier et à sa femme Sihem. Dans un restaurant, une jeune femme se fait exploser au milieu de dizaines de clients. À l'hôpital, Amine opère à la chaîne les survivants de l'attentat. Dans la nuit qui suit le carnage, son ami Naveed qui est policier, le rappelle d'urgence pour examiner le corps déchiqueté du kamikaze. Tout s’écroule alors autour de lui lorsqu’il découvre qu’il s'agit de sa propre femme. Comment admettre l'impossible, comprendre l'inimaginable, découvrir qu'on a partagé, des années durant, la vie et l'intimité d'une personne dont on ignorait l'essentiel? Pour quelles raisons sa femme, cet être doux, dénué de haine et de mystère, s'est-elle fait exploser dans un restaurant bondé d'enfants ? Pourquoi ne lui a-t-elle rien dit ? Et comment lui, qui l'aimait tant, qui lui avait donné toute sa vie, n'a-t-il rien vu venir ?

Débute alors pour Amine une descente aux enfers entre déni et résignation. Il part dans une sorte de quête pour comprendre pourquoi son épouse, qu'il pensait aussi heureuse que lui, a pu devenir une terroriste qui ôte la vie, alors que lui la rend à ses patients. Dans cette enquête désespérée pour approcher les raisons qui ont pu motiver un tel acte, Amine va devoir affronter d’un côté son milieu et ses amis israéliens et de l’autre sa famille et belle-famille palestinienne et les intégristes islamiques. Il devient la brebis galeuse, on tente de le lyncher, ses collègues pour la plupart se détournent de lui. L’Arabe israélien modèle redevient le fils de Bédouin naturellement suspect. De découvertes en péripéties, Amine en apprend plus sur sa femme sans pour autant la comprendre. Il ne connaîtra pourtant jamais la vérité puisqu’il sera victime d’un tir d’un drone israélien, lequel prend pour cible la voiture d’un imam dont Amine soupçonne les prêches incendiaires d’avoir endoctriné Sihem.

Le sujet des kamikazes palestiniens n'est pas évident à traiter avec objectivité et sans prise de position. L'auteur essaye d’emmener le lecteur dans les méandres de la conscience humaine. Le sujet est très intéressant de même que la situation des personnages, mais l’enquête d’Amine est parfois un peu mécanique et à la fin, on n’a malheureusement pas plus d’explications sur ce qui a poussé Sihem à devenir kamikaze. Et on ne voit pas non plus beaucoup d’espoir en ce qui concerne ce conflit.

Ce livre a eu de nombreux prix et doit être adapté au cinéma : prix des libraires 2006, Prix Tropiques 2006, Grand Prix des lectrices Côté Femme….

Extrait :

« En l’espace d’un quart d’heure, le hall des urgences se transforme en champ de bataille. Pas moins d’une centaine de blessés s’y entassent, la majorité étalée à ras le sol. Tous les chariots sont encombrés de corps disloqués, horriblement criblés d’éclats, certains brûlés en plusieurs endroits. Les pleurs et les hurlements se déversent à travers tout l’hôpital. De temps en temps un cri domine le vacarme, soulignant le décès d’une victime. L’une d’elles me claque entre les mains, sans me laisser le temps de l’examiner. Kim me signale que le bloc est saturé et qu’il va falloir orienter les cas graves sur la salle 5. Un blessé exige que l’on s’occupe de lui immédiatement. Il a le dos écorché d’un bout à l’autre et une partie de l’omoplate à nu. Ne voyant personne venir à son secours, il saisit une infirmière par les cheveux. Il faut trois solides gaillards pour lui faire lâcher prise. Un peu plus loin, coincé entre deux chariots, un blessé hurle en se démenant comme un beau diable. Il finit par tomber de son brancard à force de s’agiter. Le corps tailladé, il se met à assener des coups de poing dans le vide. L’infirmière qui s’en occupe paraît dépassée. Ses yeux s’illuminent lorsqu’elle m’aperçoit.

-Vite, vite, docteur Amine….

D’un seul coup, le blessé se raidit ; ses râles, ses convulsions, ses ruades, tout son corps s’immobilise et ses bras s’affaissent sur sa poitrine, pareils à ceux d’un pantin auquel on vient de trancher les ficelles. En une fraction de seconde, ses traits congestionnés se défont de leur douleur et cèdent la place à une expression démente, faite de rage froide et de dégoût. Au moment où je me penche sur lui, il me menace des yeux et retrousse les lèvres sur une grimace outrée.

-Je ne veux pas qu’un Arabe me touche, grogne-t-il en me repoussant d’une main hargneuse. Plutôt crever. »

 

Kleinmann-Vinson

Bistouri Blues

Le masque, 6 euros.

Philippe Kleinmann et Sigolène Vinson forment un tandem d'auteurs qui signe avec « Bistouri Blues » un premier roman échevelé et palpitant qui a obtenu le Prix du roman d’aventures 2007. Il s’agit d’un genre original à type de comédie d’espionnage à caractère chirurgical. Chaque chapitre débute par une citation médicale ou un schéma décrivant un geste chirurgical. A la fin du livre, le lecteur connaît tout sur la chirurgie abdominale.

Pour avoir une petite idée de l’histoire et du coté ubuesque des situations, il suffit de lire la quatrième de couverture : « Lorsque Benjamin Chopski, chirurgien mélomane, se rend à l'hôpital Lariboisière ce matin-là, il ne se doute pas encore de l'aventure extraordinaire qui l'attend au bloc opératoire. Alors qu'il pratique une ablation de la vésicule biliaire, un homme-grenouille, armé d'un harpon, surgit brutalement dans la salle d'opération et exige qu'on lui remette l'organe, pourtant en piteux état. Le commissaire Cush Dibbeth, dépêché sur les lieux pour ouvrir l'enquête, n'en croit pas ses oreilles. Et pourtant il va assister à un bien curieux trafic d'organes. Les patients ont parfois transité par Karachi, de là à recouper les voies du terrorisme international il n'y a qu'un pas que Cush Dibbeth se refuse à franchir trop rapidement. D'autant que dans cette histoire, tout finira par défier les lois du genre... »

Voici donc un roman d’espionnage plutôt atypique, avec tous ses ingrédients, rebondissements, chausse-trappes, dénouement inattendu. L’action est immédiate dès le premier chapitre avec l’irruption d’un homme-grenouille dans une salle d’opération - où officie au son de son walkman un chirurgien bardé de piercings - dans le but de s’emparer d’une vésicule lithiasique ! D’emblée, le ton est donné, même si l’explication en rapport avec l’architecture de l’hôpital Lariboisière est très cohérente. En partant de cet homme-grenouille et en passant par les techniques chirurgicales les plus modernes et les « body mails » ce roman en arrive – lui aussi - aux menaces des  terroristes islamistes. Le dernier message caché et qui clôture le livre est : « Al-Quaeda, 11, New York ».

Enfin, pour bien donner le ton de ce livre, une citation typique de l'humour carabin : « A la fin de mon clinicat, j'avais touché un kilomètre de vagin et un kilomètre et demi de rectum » ; et une vérité que tout bon chirurgien se devrait de mettre en pratique : « Il ne faut jamais opérer un malade la veille de sa mort ».

Extrait :

« Benjamin expliqua à Cush que le patient était arrivé de l’aéroport Charles-de-Gaulle d’où il avait débarqué d’un long-courrier en provenance de Karachi. D’après le médecin régulateur, il souffrait d’une jaunisse, diagnostic confirmé dès son arrivée à Lariboisière. Mais Benjamin avait trouvé quelque chose de plus grave. Le patient était bouillant et frissonnait. Sa fièvre culminait à 41°. Il était d’une pâleur inquiétante. Il était en état de choc septique. Un homme de couleur qui devient gris, parce qu’il était de couleur, c’est indéniable, il est au plus mal.

-J’ai palpé son ventre. La gravité de l’infection et la nécessité d’une intervention n’ont fait aucun doute. L’abdomen était dur comme du bois et extrêmement douloureux. Sais-tu que lorsqu’un ventre se défend involontairement, il n’y a pas besoin de scanner ou d’examen coûteux pour affirmer que la péritonite est là et qu’il faut ouvrir ?

-Non, je l’ignorais. Donc, tu l’as incisé illico ?

-Ouais. Et ça, malgré les trois cicatrices toutes fraîches parsemées sur son abdomen.

-Il venait d’être opéré ?

-Malgré son état, il m’a confirmé être passé entre les mains d’un chirurgien il y a trois semaines de cela dans une clinique de Karachi. Il a subi une cholécystectomie sous coelioscopie. Les trois incisions abdominales corroborent d’ailleurs cette hypothèse.

-C’est quoi une cholécystectomie ?

-Une ablation de la vésicule biliaire. Et c’est bien ça le problème. Il me dit ne plus avoir de vésicule. Or, c’est cet organe que je lui ai retiré du ventre et que j’ai vu partir entre les mains d’un homme-grenouille. L’anatomopathologiste l’attend toujours. »

Les autres romans de Yasmina Khadra

C’est un très grand auteur qui publie maintenant pratiquement un livre par an. Il faut lire en particulier la trilogie du commissaire Llob (« Morituri », « Double blanc » et « L’automne des chimères ») qui l’a fait connaître et qui décrit la vie et les conflits politiques et religieux en Algérie. Il faut aussi citer (toujours avec le commissaire Llob) « La part du mort », et pour faire écho à « Bistouri blues », un polar intitulé : « Le dingue au bistouri ».

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Site édité par le Docteur Christophe TRIVALLE

Cette page est dédicacée à ma grand-mère Paulette 

qui est décédée le 8 juillet 2007

et qui adorait la lecture